Zaha Hadid Architects sur le rôle de la durabilité en architecture

Zaha Hadid a quitté ce bas monde en 2016. Avec son décès, c’est l’une des architectes les plus grandes, les plus novatrices et les plus progressistes que le monde a perdue. Son âme est toujours omniprésente aujourd’hui au sein de l’éminent cabinet londonien Zaha Hadid Architects qui a conçu, entre autres, la capitainerie du port d’Anvers (Havenhuis). Nous nous entretenons avec Joris Pauwels, l’architecte senior, qui nous explique le rôle important joué par la durabilité et l’écologie dans chaque projet.

Comment le cabinet Zaha Hadid Architects parvient-il à jouer un rôle de pionnier et comment entendez-vous poursuivre ce rôle de manière durable à l’avenir ?

En repoussant consciemment et continuellement les limites du design et de la technologie et en restant informés des derniers développements technologiques. Nous sommes les « pionniers » et les premiers à embarquer dans un nouveau train technologique. En outre, nous contribuerons nous-mêmes à stimuler ces développements, certainement dans le domaine de la durabilité.

Pour nos projets, nous évitons de répéter et de copier des recettes toutes faites en réponse à des défis spatiaux qui sont, par définition, uniques. Nous considérons qu’il est de notre devoir de formuler des réponses distinctives au caractère spécifique de chaque mission, de chaque lieu et de chaque contexte spatial.

Quelle est la vision de l’agence sur le réchauffement climatique ? Comment abordez-vous cette question dans vos études ?

Le changement climatique et la durabilité sont des défis clés pour notre génération. Nous sommes convaincus que l’architecture peut apporter des solutions. La durabilité doit primer dans toutes les phases du projet : conception, appel d’offres, construction et mise en service. Il est essentiel  que le client, l’entrepreneur et l’équipe de conception soient parfaitement en phase les uns avec les autres et souscrivent aux objectifs de chacun, en privilégiant les solutions durables, y compris sur le plan économique.

Aujourd’hui, presque tous nos projets sont conçus selon des critères de durabilité spécifiques et standardisés. Les exigences minimales légales sont souvent renforcées à la demande du client. En tant qu’équipe de projet, même si on ne nous le demande pas spécifiquement, nous ferons toujours des propositions durables et expliquerons toujours en détail les délais de retour sur investissement et les avantages à long terme.

Prendre en compte tous les critères de durabilité n’est, selon nous, pas chose aisée.

Au niveau international, il existe effectivement divers critères de durabilité tels que Breeam, Lead, HQE, etc., qui ont chacun leur spécificité et leur propre réglementation. Pour une agence comme la nôtre, qui travaille sur des projets dans le monde entier, il est important de pouvoir réaliser des projets selon chacun de ces critères. Voilà pourquoi nous travaillons régulièrement en étroite collaboration avec des consultants spécialisés dans le développement durable afin de trouver ensemble les mesures appropriées permettant de renforcer le concept du projet.

Quelle place occupent la durabilité et l’écologie ? Comment voyez-vous l’avenir de la Belgique ?

Les effets du réchauffement climatique sont indéniables, en particulier dans nos villes où la présence d’espaces verts et l’apport d’eau en quantité suffisante ont un impact immédiat et décisif sur le bien-être des habitants. Nous soutenons sans réserve la vision de l’actuel maître-architecte qui considère qu’une densification urbaine conçue de manière stratégique et la protection des espaces publics et du paysage sont les conditions préalables d’un avenir durable pour notre environnement. La sensibilisation aux problèmes et l’attention portée à leur résolution sont essentielles pour créer une plateforme suffisante afin de garantir les ajustements nécessaires dans l’aménagement du territoire et de l’architecture. Nous ne voyons pas pourquoi la densification ne pourrait pas être un atout, que ce soit sur le plan écologique ou économique ou d’un point de vue de l’espace et du vécu.

En Belgique, les villes devraient se concentrer encore plus sur la réutilisation et la rénovation des bâtiments existants comme ce fut le cas pour la capitainerie. Un nouveau bâtiment peut être aussi « vert » que possible, conformément aux normes actuelles, les travaux de démolition requis pour faire place à une nouvelle construction ont, à n’en point douter, un côut et représentent une dépense d’énergie et un gaspillage. La solution la plus durable consiste à développer de nouveaux projets qui intègrent les structures existantes.

Quels projets ont montré que Zaha Hadid Architects attache une grande importance aux espaces verts et à la durabilité ?

L’Havenhuis, ou capitainerie d’Anvers, a obtenu un score « very good » sur l’échelle d’évaluation de Breeam en termes de durabilité. C’était l’un des objectifs qui avaient été fixés lors de l’élaboration du projet. Pour ce faire, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Ingenium, une société d’ingénierie belge spécialisée, entre autres, dans le suivi et l’accompagnement de la méthode Breeam. Pour parvenir à ce résultat, nous avons eu recours au stockage géothermique par puits de forage combiné à des pompes à chaleur. Des plafonds et des poutres rafraîchissants ont été installés dans respectivement le nouveau bâtiment et le bâtiment existant. Des bornes de chargement électriques ont également été prévues pour une partie du parc automobile.

À l’origine, le projet prévoyait de la végétation sur l’aire en devanture du bâtiment, mais cela s’est révélé contraire au plan directeur de l’îlot qui a été élaboré par les services municipaux. Ce schéma directeur dispose que seuls des matériaux durs (pavés, bandes de béton, métal, etc.) peuvent être utilisés pour les structures extérieures afin de préserver et de renforcer le caractère existant du paysage portuaire. En consultation avec le client, il a finalement été décidé de ne pas aménager d’espace vert.

Le nouveau siège social durable de Bee’ah, le leader de l’innovation et la force pionnière des solutions durables au Moyen-Orient, sise à Sharjah dans les Émirats arabes unis, a obtenu le certificat LEED Platinum pour sa très faible consommation en carbone et en eau. Bee’ah veut établir un nouveau standard aux Émirats arabes unis en utilisant une énergie 100 % verte et renouvelable et en faisant usage au maximum des produits recyclés à partir de déchets. Le projet pour le nouveau siège social s’inspire du paysage désertique environnant et forme une succession de dunes prenant appui les unes sur les autres. Ces dunes sont orientées en fonction du Chammal dominant et ont été conçues de manière à ce que les intérieurs soient baignés de lumière et de visibilité tout en minimisant l’exposition du verre à l’inexorable lumière du soleil.

Le nouvel Eco Park et le stade Green Rovers dans le Gloucestershire, au Royaume-Uni, apporteront une contribution importante à la communauté locale. Le projet combine une recherche approfondie sur les matériaux et les méthodes de construction avec de nouveaux développements de projet afin d’obtenir une architecture plus durable et plus inclusive. Les Forest Green Rovers (ndr : une équipe de football anglaise) ont développé une vision globale du site, combinant le caractère rural avec de nouvelles installations. Si le nouveau stade en est le fleuron, le projet crée un nouvel environnement public avec des activités récréatives et économiques de sorte que l’ensemble du site contribue à un meilleur environnement urbain, non seulement les jours de match, mais aussi tous les jours de la semaine.

Le projet préserve et renforce le paysage de prairies en combinaison avec l’intégration du stade et des fonctions associées. Il s’agit du premier stade de football entièrement construit en bois où la quasitotalité des éléments sera en bois de production durable, y compris la structure, le toit, les contreforts et la façade.

Quelles mesures concrètes et durables tentez-vous d’intégrer dans les projets ?

Actuellement, notre schéma directeur est souvent basé sur le « concept de ville éponge » dans lequel une gestion durable de l’eau urbaine et un « paysage dynamique », appelé à changer fortement au fil des saisons, tant en caractère qu’en superficie, apparaissent comme une condition préalable dans le projet.

Des concepts tels que le TOD (Transit Oriented Development, un concept de transport public et d’aménagement du territoire) et 5min cities, où la distance par rapport à un arrêt de transport public est de maximum cinq minutes, sont également à l’avant-plan. Une attention particulière est aussi accordée à la réduction du « dernier kilomètre » par l’application de la « mobilité douce », concrétisée par les scooters électriques et les vélos, sur la base d’une économie partielle. Il est important que tout cela soit repris dans des projets judicieusement pensés.

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Joris Pauwels – senior architect Zaha Hadid Architects

En savoir plus ? www.zaha-hadid.com