Une charte pour intégrer le vivant dans les projets urbains

Un collectif d’acteurs de la ville et de la nature, sous la houlette de l’association Conseil international biodiversité et immobilier (CIBI), à l’initiative des labels BiodiverCity, lance un appel international à intégrer la biodiversité aux villes.

 

Constructeurs, professionnels de l’immobilier, utilisateurs, écologues, architectes, jardiniers et paysagistes, collectivités et institutions publiques, mais aussi associations de protection de la nature unissent leurs forces pour relayer cet appel à la mobilisation. Une première signature est organisée au MIPIM, le salon international de l’immobilier, à Cannes, en présence des dirigeants d’une quarantaine d’entreprises du secteur. Une charte, en 10 actions clés, engage ses signataires à intégrer le vivant dans tout projet urbain.

 

Mobiliser pour la biodiversité
L’érosion de la biodiversité présente des conséquences au moins aussi graves pour l’Humanité que le dérèglement climatique. Les deux phénomènes sont d’ailleurs intimement liés. Connecter les humains avec la nature devient un enjeu capital quand on considère qu’à l’horizon 2050, 80% de la population mondiale sera citadine. Car « Plus on vit connecté à la nature, plus on la protège ».

La demande pour plus de nature en ville est d’ailleurs manifeste : 9 Français sur 10 considèrent la proximité d’espaces verts comme un élément essentiel de leur équilibre de vie. C’est même un facteur d’attractivité pour les entreprises : 83% des jeunes diplômés veulent des bureaux végétalisés. Le concept de biophilie formalise ce besoin de nature.

Une charte signée par des acteurs de renom
Un collectif d’acteurs de la ville et de la nature, sous la houlette de l’association Conseil international biodiversité et immobilier (CIBI), à l’initiative des labels BiodiverCity, lance un appel international à intégrer la biodiversité aux villes. Constructeurs, professionnels de l’immobilier, utilisateurs, écologues, architectes, jardiniers et paysagistes, collectivités et institutions publiques, mais aussi associations de protection de la nature unissent leurs forces pour relayer cet appel à la mobilisation. Une charte, en 10 actions clés, engage ses signataires à intégrer le vivant dans tout projet urbain.

Trois grands témoins apporteront leur vision : Hélène Chartier, conseillère au sein du C40 Cities, le rassemblement international des maires engagés pour le climat, à New York, et en charge du concours « Reinventing cities », Stefano Boeri, architecte et urbaniste italien chantre de la foresterie urbaine, concepteur des tours plantées « Il Bosco verticale » à Milan et qui dessine actuellement la première « ville-forêt » de Chine ; Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris, en charge de l’urbanisme et du Grand Paris. Des ambassadeurs volontairement non spécialistes de la biodiversité, pour montrer à quel point le sujet est transversal et préoccupe bien au-delà des experts de la protection de la nature.

La charte a vocation à être itinérante, signée par différentes parties prenantes à l’occasion de plusieurs événements jalonnant l’année 2018. Une façon, pour les acteurs mobilisés, de contribuer de manière volontaire à l’ambition portée par le Ministre d’Etat Français Nicolas Hulot, qui rappelait en octobre que « la biodiversité est une priorité du Ministère de la transition écologique et solidaire, au même titre que le climat ».

Agir pour la biodiversité, une urgence
« La 6ème extinction de masse que nous vivons actuellement est la première engageant la responsabilité d’une espèce, l’espèce humaine. Elle est la plus rapide que la planète ait jamais connue », indique Jean-Philippe Siblet, Directeur de Patrinat, l’unité en charge du patrimoine naturel au sein de l’Agence française pour la biodiversité, du Muséum national d’histoire naturelle et du CNRS, par ailleurs président du conseil scientifique de l’association CIBI.

Au-delà de la menace qui plane sur certaines espèces emblématiques, la diminution significative des effectifs d’espèces communes interpelle. Il n’est qu’à écouter le silence dans les rues, d’où les effectifs d’oiseaux communs ont largement décru ces dernières années. Si l’action de l’Etat se concentre sur la conservation du patrimoine naturel, « la nature en ville doit être pleinement considérée. C’est en agissant auprès des citadins que l’on peut espérer un renversement de situation. La situation est grave, il faut être honnête avec la population. Néanmoins, il est encore possible d’agir », plaide Jean-Philippe Siblet.

La biodiversité urbaine
Le vivant en ville, sous toutes ses formes (faune, flore, eau, sol), rend, de l’échelle de l’ilot bâti à celle de quartiers tout entiers, des services dits écosystémiques. Ainsi, à la manière de pas japonais, des espaces à caractère de nature viennent scander le territoire urbain. Un vaste système qui participe de la qualité du cadre de vie au quotidien. Les rôles assurés par la biodiversité sont multiples.

Cadre de vie tout d’abord au travers des actions concrètes et services rendus par la biodiversité :  îlots de fraîcheur en zone urbaine ; régulation du CO2 relevant de la lutte contre les GES ; piège à hydrocarbure notamment dans le contexte de lessivage des sols.

La biodiversité c’est aussi une notion de partage : partage par la connaissance de la biodiversité, dimension dans laquelle la recherche avance mais pour laquelle on sait ne maîtriser qu’une partie des informations ; partage et solidarité : la biodiversité s’inscrit dans une logique de chaîne, une logique intégrée. Elle implique solidarité des espèces de manière fonctionnelle. Elle induit une solidarité dans le partage des espaces, dans l’attention à une ville apaisée, ouverte et disponible pour tous.

Mais ils sont aussi d’ordre économique (attractivité des espaces de vie, qu’il s’agisse d’immeubles ou de quartiers, développement de nouveaux métiers, du conseil à l’entretien en passant par l’animation et la pédagogie), mais aussi culturel (éducation concrète à l’écologie, sentiment d’appartenance locale).

Développer les « expériences de nature »
Au-delà de la surface d’espaces verts par habitant, critère objet de palmarès réguliers pour comparer les villes entre elles, la question de la connexion à la nature, de l’interaction que les citadins ont avec le vivant, est en jeu.

Ramener des populations nées en ville, hors de toute « nature » au contact des êtres vivants requiert un apprentissage, une médiation. C’est tout l’enjeu de considérer la ville comme un lieu de sensibilisation à la nature. La naissance de nouveaux métiers, de jardiniers urbains intégrant une fonction d’animateurs nature est fondamentale.

Les 10 points de la charte
1. Favoriser l’intégration de la biodiversité (végétalisation, accueil de la faune, agriculture urbaine) dans tous les projets, neufs ou de rénovation, mais aussi existants déjà en gestion.

2. Recenser dans son patrimoine les espaces pouvant accueillir le vivant (ouvrages existants ou en projet).

3. Intégrer la biodiversité, la végétalisation en amont, dès la première phase de programmation.

4. S’entourer de compétences dédiées au vivant (écologues, paysagistes) pour guider la conduite du projet.

5. Considérer le site, l’environnement écologique, paysager et culturel local dans lequel s’inscrit le projet.

6. Favoriser la mise en œuvre d’une labellisation de type Biodivercity et viser un haut niveau d’engagement dans le volet biodiversité des certifications environnementales telles que BREEAM®, HQE™, LEED® and WELL Building Standard®.

7. Mettre en œuvre une mesure de l’évolution du potentiel écologique du projet, avant mise en œuvre et après (projection).

8. Viser l’interaction entre le vivant et les usagers (habitants pour un projet de logement, salariés pour un projet tertiaire, consommateurs pour un projet commercial) au bénéfice de leur bien-être et du développement « d’expériences de nature ».

9. Anticiper et déployer une gestion suivie dans le temps et respectueuse de l’environnement.

10. Partager et expliquer la présence du vivant à la livraison et tout au long de la vie du projet (information, animations), en mobilisant tous les médias (physique, numérique, etc.), afin de développer les « expériences de nature ».

 

Source: UP-Magazine