Un nouveau modèle de cité-jardin à Versailles

La Ville de Versailles et l’aménageur Icade dévoilent le nouveau quartier qui sera réalisé entre le domaine du Château et Saint-Cyr-L’école à partir de 2019 et jusqu’en 2026.  Cette ancienne emprise militaire de 20 hectares préservera un cadre patrimonial exceptionnel grâce à un projet urbain aéré, végétalisé, de faible hauteur et contemporain, dans la tradition de la cité-jardin. La moitié du terrain sera réservée en zone agricole et accueillera les épreuves d’équitation des JO 2024.

L’équipe est composée de l’agence de paysage et design écologique Phytorestore, de l’agence d’architecture Lambert & Lénack et de la maison Deyrolle (AMO). La nouvelle cité-jardin prend place sur 20 ha et est parfaitement intégrée dans le contexte paysager du château de Versailles qui fait que le projet ne sera nullement visible depuis l’ensemble du site classé du château.

Etant donné sa situation exceptionnelle en bordure immédiate du domaine de Versailles, le projet a été conçu de manière à être totalement masqué par les aménagements paysagers. Le projet paysager permet de créer une agriculture urbaine participative réinventée et une valorisation des ressources naturelles innovante de l’eau.

Au total, plus de la moitié de la superficie du site sera conservée en espaces paysagers, soit plus de 10 ha sur les 20 ha à aménager.

 

Les enjeux urbains et paysagers

Une mission d’études a été confiée en 2012 au groupement Michel Desvigne Paysagiste – Inessa Hansch Architecte et Une Fabrique de la Ville. La phase de diagnostic a permis de cerner les principaux enjeux du paysage à mettre en valeur dans le projet urbain et de sélectionner certains bâtiments à conserver dans un souci patrimonial : trois constructions, anciennement à usage d’habitation et présentant un très bon état de conservation, une halle, anciennement utilisée pour les magasins.

La situation exceptionnelle du site, mitoyen du domaine national du château de Versailles sur près d’un kilomètre de long, s’est révélée une opportunité et une grande attention a été portée à la maîtrise des vues depuis le site sur le grand paysage, à la perception du site depuis l’extérieur et à la cohérence des tracés paysagers structurants. L’insertion du projet à la juste échelle du paysage a guidé la composition des volumes bâtis sur le site.

La conception du futur quartier s’est ainsi avant tout appuyée sur les éléments d’un nouveau paysage élaborés par Michel Desvigne : une structure viaire cohérente avec celle du domaine du château, un renouvellement du patrimoine paysager du site, la mise à profit de la situation en terrasse du site, la maîtrise de la gestion de l’eau.

La cité fertile

La philosophie du projet, insufflée par Deyrolle, repose sur le triptyque «Nature – Art – Éducation». Ces valeurs, associées au projet urbain, ont permis de proposer une réinterprétation contemporaine de la cité-jardin : la cité fertile. Dans cette cité, qui doit répondre aux enjeux du XXIème siècle, la Nature est foisonnante et nourricière (potagers, vergers).

Cette cité-jardin modèle a tout d’abord été pensée du point de vue de la participation et des innovations écologiques. Ici, l’écologie fonde l’économie afin de créer des cycles courts dans lesquels les habitants sont parties prenantes. La fertilité est au cœur du projet de cette nouvelle «cité-jardin» modèle qui viendra proposer une alternative aux modèles actuels de l’agriculture urbaine qui n’ont pas tous de véritables fonctions sociales ni parfois, de légitimité économique.

Dans cette cité-jardin, un nouveau modèle de jardin d’insertion et de production de produit bio sont conçus avec une logique de valorisation directe dans un cycle court pouvant être concrétisé par un magasin de vente dans le quartier, via l’enseigne alimentaire bio : « NaturéO ». Ici, il ne s’agit pas d’une agriculture urbaine gadget. Ce projet s’inspire directement des expérimentations en agriculture urbaine menées par la maison Deyrolle. Le lieu sera partagé entre production et participation des habitants. Sur le plan de la production, la ferme produira des fruits et légumes bios de saison à destination des habitants du quartier qui pourront s’impliquer directement dans le projet en cultivant leur propre jardin alimentaire.

L’Art est présent partout, et notamment dans l’esthétisme de l’architecture. L’Education est essentielle afin de transmettre aux futures générations les savoirs nécessaires pour agir dans un monde nouveau, où les défis se multiplient. Cette philosophie est le socle de l’approche environnementale du projet qui a été déclinée dans plusieurs objectifs opérationnels.

Pour construire cette Cité Fertile et incarner les valeurs Nature Art Education, ICADE a fixé des objectifs à atteindre et une méthode de suivi de ces objectifs. Les objectifs consistent principalement en l’obtention de certifications environnementales pour les programmes immobiliers (100% des programmes labellisés), le déploiement de solutions de mobilité durable (véhicule électrique, navette autonome, vélo, etc.) et à l’implantation de programmes et activités emblématiques (micro-ferme, maison du bois et du recyclage, organisation de formation à destination des habitants, etc.

Un nouveau paysage écologique

Loin de se cantonner à un rôle purement esthétique ou d’intégration des bâtiments, le paysage conçu par l’agence Phytorestore sera très innovant au niveau des thèmes de l’agriculture urbaine et de la gestion de l’eau innovante, thèmes incontournables dans le paysage d’aujourd’hui.

Le mail central servira à collecter les eaux de pluie de l’ensemble du quartier, les dépolluer en zéro rejet pour l’extérieur pour une pluie 100 ans et les mettre en valeur notamment via la création d’un plan d’eau avec qualité eau de baignade pouvant aussi servir à irriguer d’importants jardins potagers, créant ainsi une toute nouvelle approche de l’agriculture urbaine autonome en termes de ressources locales.

Une telle action de valorisation de l’eau s’inscrit bien dans l’histoire du parc de Versailles qui a toujours été à la pointe de l’innovation en matière d’hydraulique. Que ce soit avec la machine de Marly récupérant l’eau de la Seine ou via le drainage du plateau de Saclay par des rigoles recueillant les eaux de pluie, l’alimentation en eau du parc a été source de nombres d’inventions et innovations dans le thème de l’eau. Ce projet est donc bien un prolongement de cette tradition.

Ces eaux dépolluées réutilisées pour l’arrosage des cultures vivrières et la création de zones humides favoriseront aussi la biodiversité et la séquestration du carbone contre le réchauffement climatique. Avec une gestion in situ adaptée, le projet réduira l’impact entre 60t et 100t de C02. Enfin, le paysage sera aussi nourricier puisque des potagers et vergers participatifs occuperont la majeure partie de la pointe nord du site pour alimenter en cycle court le magasin de ce nouveau quartier.

Le cœur du projet sera notamment constitué d’un hôtel et d’un écocentre, qui pourra accueillir conférences et formations sur la permaculture. Situé au milieu d’une pièce d’eau dépolluée par jardins filtrants et de jardins nourriciers participatifs, il constituera un pôle essentiel de la philosophie du quartier. L’enjeu est bien de boucler les boucles écologiques et nourricières à l’échelle du quartier, in situ.

Ce projet illustre bien les tendances de fond du «paysage» du futur, plus orienté vers les solutions écologiques en matière de gestion de l’eau et de réduction de l’empreinte carbone, avec des projets tendant vers une autarcie écologique du quartier et pouvant intégrer une démarche participative avec les futurs habitants.

Pièces de verdure & perspectives

L’agence Lambert et Lénack s’est inspirée des bosquets du parc et de certaines cités-jardin pour proposer des pièces de verdure, grands îlots dans lesquels s’insèrent les bâtiments. Dans la continuité des principes de composition urbaine et paysagère définis par le paysagiste Michel Desvigne et l’architecte Inessa Hansch, les grandes perspectives structurent le site, en cultivant des univers et des usages spécifiques.

 

 

• Le Cordon Boisé, en lisière Ouest, permettra de mettre à distance la voie ferrée par un paysage continu et organique. Il constituera l’axe fonctionnel du quartier (voie de desserte et stationnement visiteurs).

• La Grande Terrasse, en frange Est, permettra de profiter des vues lointaines sur le paysage. Reprenant les codes des grandes allées Versaillaises, elle sera plantée d’arbres fruitiers et deviendra un lieu de vie et de production fruitière intégrée dans le projet d’une nouvelle agriculture urbaine. Ce traitement paysager avec des arbres fruitiers s’inscrit déjà parfaitement dans l’héritage historique du parc de Versailles.

Les arbres de la terrasse seront disposés sur cinq rangées : la première, à l’Est, est celle des arbres existants qui sont prolongés sur toute la longueur du site ; la dernière à l’Ouest est située en contrebas, en bordure des logements. Parmi les arbres fruitiers seront implantés aléatoirement des espèces d’arbres marcescents et persistants. Le dispositif en quinconce permettra d’obtenir un filtre végétal qui masquera le projet depuis le domaine du château.

 

• La Place Boisée, en lisière Sud, sera l’entrée du quartier mais également de la grande perspective de la RD10 (site inscrit au titre des monuments naturels) et sera donc largement plantée.

• Les Venelles forment un réseau d’allées Est-Ouest qui prolonge le tracé des allées du parc créées par André Le Notre et définit la trame des espaces publics du quartier. Mettant en relation la terrasse et le cordon boisé, ces venelles transversales permettent la transition entre le grand paysage et les jardins domestiques.

Un cheminement piéton central, promenade ouverte à tous en cœur de quartier propose un parcours de découverte associant œuvres d’art et mise en valeur de l’eau, deux éléments indissociables de l’histoire du Château de Versailles. Ce chemin de l’eau central devient aussi la colonne vertébrale du plan paysager et cela conformément à l’esprit des grands axes du parc paysager de Versailles.

 

 

 

Enfin, la pointe nord ne sera pas bâtie. Cette partie sera dédiée au maraîchage et aux sports et se terminera par un jardin lacustre venant souligner les lignes du grand paysage.

 

L’aménagement

Le projet d’aménagement est structuré selon quatre principes fondateurs :

• Un paysage de perspectives : la conception des espaces publics permet des vues dégagées, à l’échelle du grand paysage, en écho avec le domaine du château dans la continuité des allées du domaine de Versailles créées par André Le Nôtre et les grands tracés de la ville.

• Des pièces de verdure : le quartier s’organise à travers de grandes séquences paysagères, constituées d’une périphérie et d’un cœur s’inspirant des bosquets du Château et des îlots des cités-jardins.

• Des promenades : des chemins de traverse permettent plusieurs façons de découvrir cette composition urbaine.

• Un rationalisme ornemental : la philosophie architecturale, à la fois contemporaine et inspirée du patrimoine de Versailles.

 

© IMAGES LOTO ARCHILAB

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