Un nécessaire sursaut pour les papillons des villes

Namur, Bruxelles, Charleroi… la ville constitue un écosystème très spécifique et particulièrement sensible à la pression humaine. Les papillons sont d’excellents indicateurs de la qualité des milieux qu’on y rencontre. Natagora appelle à un sursaut tant politique que citoyen.

30 espèces de papillons de jour ! C’est ce qu’un milieu urbain moyennement densifié peut accueillir… Ou plutôt pouvait accueillir. En zone urbanisée, plus que partout ailleurs, nos papillons sont en déclin. Or, ce sont de précieux bio-indicateurs de ces zones anthropisées. Tout comme d’autres groupes d’insectes pollinisateurs, les papillons de nos villes sont sous pression, leur diversité s’y est effondrée : bétonisation galopante, disparition des friches fleuries, jardins privés laissant peu de place à une nature spontanée ou encore zones vertes se déconnectant les unes des autres. La pollution atmosphérique et les pics de chaleur caniculaires font le reste. Les papillons souffrent autant que nous de l’évolution récente des villes.

Néanmoins, un changement d’attitude est dans l’air, une prise de conscience est en marche. Des habitants font des gestes en faveur d’une nature plus spontanée dans leur jardin, des collectifs agissent dans leurs quartiers et créent des potagers sans pesticides, les autorités gèrent parcs, avenues et écoles de façon à y voir revenir la verdure et la vie, des entreprises décident d’aménager leurs terrains vacants en faveur de la biodiversité urbaine.

Voir revenir en ville des espèces de papillons disparues est tout à fait envisageable, c’est même déjà une réalité pour certaines d’entre elles ! En 2020, le bleu nacré – une splendide petite espèce azurée – a été observé à Bruxelles, la thècle du bouleau qu’on croyait disparue de Liège a été réobservée ; de nouvelles espèces de papillons diurnes, telle la piéride de l’Ibéride, s’installent même pour la première fois aussi bien à Bruxelles que dans les villes de Wallonie. Depuis la parution du dernier Atlas des papillons de la Région de Bruxelles-Capitale en 2009, pas moins de 9 espèces sont revenues et d’autres sont à nouveau en croissance comme la rare thècle de l’orme qui a frôlé l’extinction locale ! Néanmoins, ne soyons pas abusés par ce tableau apparemment positif, le nombre d’individus par espèce (la densité) continue de s’effondrer et nous renseigne sur la mauvaise qualité générale de l’environnement urbain.

Les villes sont fortement connectées avec les milieux naturels environnants par les talus des chemins de fer, les autoroutes, les canaux, les berges des rivières… La recolonisation des zones urbaines pourrait être facilitée par cette trame, souvent bien artificielle. Sur certains sites déjà bien reliés, on observe parfois plus d’espèces de papillons que sur une superficie égale à la campagne, et notamment les papillons migrateurs tels les soucis, les souffrés ou les azurés porte-queue. Les friches urbaines, en particulier, jouent un rôle crucial de refuge, tant pour les papillons que pour les oiseaux insectivores qui s’en nourrissent partiellement. Leur sauvegarde et le développement d’espaces similaires sont donc essentiels pour la biodiversité.

Mais les citoyens peuvent agir également. En multipliant les petites zones de nature sauvage : un bout de jardin laissé en friche, une haie un peu moins taillée, un tas de bois abandonné… on multiplie les lieux d’accueil pour une entomofaune plus riche. Pas besoin de semer : ce qui s’installe est bien adapté au sol et à la biodiversité indigène.

Natagora