Steven De Bruycker : « Créer du rafraîchissement, de l’évaporation et de la biodiversité »

Vide vert, stress thermique, plantes masquantes. Conseiller et représentant de la pépinière Willaert, Steven De Bruycker nous livre son regard critique sur l’avenir des jardins et des plantations. Ce qu’il conseille aux professionnels des espaces verts ? Ne pas disperser leurs efforts.

Dans quelle mesure avez-vous vu les jardins et les plantations évoluer ces dernières années, et qu’attendez-vous de l’avenir ?

Sous l’influence de facteurs externes, nos jardins ont énormément changé à plus d’un égard. Leur taille, par exemple, n’est plus la même. Le manque d’espaces disponibles, le rétrécissement des lotissements, l’augmentation des prix, l’avènement des logements partagés et ainsi de suite, font que la surface des jardins s’est réduite. Les jardins ouvriers, les jardins communs et autres projets sociaux gagnent dès lors en importance.

Les jardins se sont transformés en un « vide vert ». C’est très joli visuellement, mais un vrai cimetière en termes d’écologie. La conséquence, c’est que les plantes sont souvent devenues peu ou plus du tout résistantes en raison de l’absence d’ennemis naturels. Face à cette monotonie des plantations, les maladies et nuisibles s’en donnent à coeur joie.

La météo de ces dernières années et le réchauffement de la planète jouent évidemment un rôle. De plus en plus, on opte pour une piscine ou un étang de baignade, ce qui modifie considérablement l’apparence du jardin. Et je pense que cette tendance ne fera que se renforcer à l’avenir. L’avenir nous dira comment elle pourra être conciliée avec la pénurie grandissante d’eau.

Ce qui m’amène tout naturellement au thème de l’irrigation. Les entreprises qui se sont spécialisées en la matière font des affaires en or de nos jours. Mais encore une fois, on préfère ici raisonner à court terme en fonction de considérations économiques plutôt qu’en fonction de la plante. En cas de sécheresse ou de canicule, un arrosage permanent expose les plantes à un stress et perturbe sérieusement leur évaporation naturelle ainsi que leur cycle de captation de l’eau. La mortalité soudaine de buissons en est le résultat. Et on peut également y attribuer l’apparition de champignons dans les gazons.

Last but not least, nous constatons un grand stress climatique chez les plantes déjà présentes. Notre végétation souffre énormément de la chaleur excessive, de la pollution de l’air, des sécheresses et des pluies abondantes.

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© Chuttersnap

À quels problèmes serons-nous confrontés si on ne prend pas de mesures contre le changement climatique ?

La situation est encore floue ici. Les premières conséquences des années écoulées commencent à se manifester. En 2016, nous avons connu un printemps très humide. Puis il fut très sec l’année suivante. Et nous avons tous en mémoire la longue sécheresse qui a sévi à partir de l’automne 2018. Enfin, l’été dernier a également été très sec et très chaud. Nous voyons à présent que de vieux arbres en sont les victimes, le hêtre (Fagus sylvatica) en tête. Et ce n’est pas tout, puisque nous remarquons aussi une chute des feuilles précoce (bouleau/hêtre/ tilleul), une reprise difficile de la croissance des arbres en motte (p. ex. Quercus robur) et une sensibilité accrue aux maladies des feuilles et insectes (comme la pyrale du buis/plusieurs générations). Nous devons également tenir compte du fait que des maladies des régions méridionales, comme la Xylella, peuvent s’établir plus facilement chez nous dans de telles conditions. Les précipitations abondantes dans un bref laps de temps entraineront la pourriture des racines et le lessivage de la terre fertile. En outre, notre flore et notre faune indigènes ne pourront plus suivre le rythme du changement climatique et s’éteindront.

Comment les pépiniéristes peuvent-ils s’armer pour faire face au futur ?

Une étroite implication lors de la phase de conception et de l’établissement du plan de plantations permet de prévenir de façon ciblée pas mal de problèmes (en plantant par exemple le bon arbre ou la bonne plante au bon endroit). Établir une liste d’assortiment composée d’arbres adaptés est un premier pas dans la bonne direction. Mais ce n’est qu’un début, car les arbres figurant dans cette liste n’ont traversé qu’une brève période de changement climatique.

En rendant visite à des régions où le climat est similaire, les éleveurs peuvent également trouver des alternatives adaptées à notre région.

Mais ce n’est pas tout. Nous devons réfléchir par exemple à la durabilité des matériaux d’emballage. Le cultivateur peut être le déclencheur dans la recherche d’une solution économiquement rentable pour le recyclage ou le remplacement des pots en plastique P9 et du film d’enrubannage. La culture et la vente en chaîne courte sont en outre en plein boom.

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© Josh Wilburne

À quoi ressembleront nos jardins en 2030 ?

Comme j’ai déjà dit, nous assisterons à la poursuite de la segmentation des clients/jardins. Il y aura toujours de grands jardins (p. ex. les anciennes fermes et les domaines de châteaux existants), qui continueront d’exister et de se développer. Les acheter ou les faire développer ne sera plus possible que si l’on dispose d’un budget suffisamment important. L’entretien devra nécessiter moins de main-d’oeuvre et mieux tenir compte de la biodiversité. Cela signifie qu’il y aura plus de prairies fleuries, de bois et de haies. Tout cela offre à l’entrepreneur paysagiste concerné des perspectives économiques pérennes. J’ose espérer que les plus petits jardins n’évolueront plus vers des îlots pavés avec sporadiquement un peu de végétation masquante ou un petit gazon synthétique, pour limiter le coût annuel de regarnissage d’un gazon (en raison de la sécheresse). Les pouvoirs publics devront ici jouer leur rôle et stimuler la plantation de végétation pour rafraîchir, favoriser l’évaporation, permettre de s’adonner à ses loisirs et favoriser la biodiversité. Voire l’officialiser par le biais de réglementations locales.

 

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Steven De Bruycker – conseiller et représentant de la pépinière Willaert

 

Plus d’informations ? www.willaert.be