Rénovation bio-écologique d’une habitation à Borgerhout : infiltration maximale des eaux de pluie sur une surface très limitée
Le projet Witte Groeten concerne une habitation bio-écologique à Borgerhout, près d’Anvers, où l’infiltration et la réutilisation de l’eau de pluie ont été envisagées de manière très poussée. La combinaison inspirante de toutes sortes de techniques innovantes démontre que les zones urbaines offrent des possibilités, même en cas de surfaces réduites.
Comment réduire au maximum le volume d’eau de pluie qui s’écoule dans le réseau d’égouts? Telle était la tâche complexe confiée à l’architecte Carl Asaert, à l’entrepreneur Ecoverbo ainsi qu’aux partenaires Muurtuin et Ecoschelp dans le cadre de cette maison mitoyenne avec extension à l’arrière située à Borgerhout. La solution retenue pour transformer l’extension à l’arrière en un jardin durable avec terrasse, l’objectif principal de ce projet, comprenait plusieurs éléments: d’importants travaux de démolition, la déminéralisation complète, des toitures vertes, une toiture à rétention d’eau et un système d’infiltration à coquillages.
TECHNIQUES COMBINÉES
La toiture verte qui caractérise la maison et contribue largement à la gestion de l’eau couvre 70 m². A l’image d’une toiture-jardin ordinaire, la toiture verte intensive (60 m²) se compose de plantes vivaces et de graminées. Ce projet ne comporte par contre pas d’arbustes ni d’arbres. La toiture verte extensive de 10 m², qui nécessite moins d’entretien, est couverte de mousses, de plantes grasses et d’herbes aromatiques. La toiture verte intensive fait également partie de la toiture à rétention d’eau. Ce type de toitures, qui stockent et retiennent temporairement l’eau de pluie, fait partie de la catégorie des toitures d’eau ou toitures bleues. La toiture à rétention d’eau couvre une surface de 12 m² et comprend également, outre la section de toiture verte (8 m²) construite sur caissons pour une capacité tampon supplémentaire, un petit étang de 4 m². Cette toiture à rétention d’eau s’avère particulièrement utile en raison de la différence de niveau de la toiture, car elle permet à l’eau de pluie de s’écouler vers le point le plus bas.
INFILTRATION MAXIMALE DE L’EAU
Afin d’optimiser et surtout de maximiser l’infiltration de l’eau de pluie, la terrasse du patio a été déminéralisée et réalisée en bois et dalles en pose libre. Sous celle-ci, un lit de coquillages de 6 m³ sert de bassin d’infiltration. Non seulement excellents pour ce genre d’utilisation, les coquillages sont surtout naturels, circulaires et multifonctionnels. Ecoshell garantit également qu’ils sont extraits de manière durable dans l’estuaire de l’Escaut oriental ainsi qu’en Mer du Nord. Pour évaluer la capacité drainante des coquillages utilisés, l’entrepreneur a fait appel à des chercheurs de l’Université Technique de Delft. Le pourcentage d’espace creux de 86,6% crée un volume tampon de 860 litres par m³.
Le pourcentage d’espace creux de 86,6% crée un volume tampon de 860 litres par m³.
GAINS POUR L’HOMME ET L’ENVIRONNEMENT
La maison a été équipée d’une citerne d’eau de pluie avec pompe. Ce projet est donc synonyme de rétention et réutilisation maximale de l’eau au niveau local. Grâce à l’eau et à la verdure, la maison favorise aussi la biodiversité, un atout considérable en milieu urbain. Le caractère hautement bio-écologique de cette maison à l’épreuve du temps se reflète également dans les matériaux utilisés pour la terrasse et les façades: bois circulaire, bois traité thermiquement et bois dur. Pour économiser les ressources, outre la présence des coquillages, le contexte existant et les structures en béton de l’extension à l’arrière ont servi de base. En outre, cette maison sans gaz avec pompe à chaleur a été entièrement construite avec des produits sains et bio-écologiques.
COÛTS ET ENTRETIEN
L’entrepreneur Teun Depreeuw émet d’emblée une remarque importante sur le coût total: « le prix de ce type de technologie varie fortement en fonction de la situation spécifique et, même s’il est difficile de généraliser, les avantages et le haut rendement sont indiscutables. » Les subsides de la Ville d’Anvers qui a accompagné ce projet ont été un élément déclencheur positif. Ce soutien financier, 8.000 euros au total, a permis de couvrir les frais d’installation des toitures vertes, pour lesquelles 70 à 120 euros par m² constituent d’ailleurs un bon prix indicatif. Les installations de gestion de l’eau nécessitent évidemment un entretien, mais celui-ci sera compensé par les économies sensibles sur les coûts énergétiques et la consommation d’eau de distribution. La toiture de rétention doit être contrôlée trois fois par an pour s’assurer que les plantes aquatiques présentes poussent correctement. Si le lit de coquillages et la toiture verte extensive nécessitent peu ou pas d’entretien, la toiture verte intensive produira un peu plus de mauvaises herbes.
OBSTACLES JURIDIQUES
Les travaux à Borgerhout ont été assez radicaux. Même si la structure en béton a été conservée, la majeure partie de l’extension à l’arrière a dû être démolie pour faire place au jardin et à la terrasse. L’obtention des autorisations a nécessité beaucoup de communication et, surtout, une bonne dose de persuasion. D’autant plus que plusieurs autres obstacles juridiques sont apparus. La définition de concepts comme la minéralisation ou la végétalisation, par exemple, n’est pas toujours très claire (ou logique). Les dalles et la terrasse en bois du patio ayant été installées en pose libre sur le lit de coquillages, on ne devrait naturellement pas du tout parler d’une surface minéralisée. Mieux encore, l’ensemble du terrain concerné par ce projet a été déminéralisé.
Au niveau juridique et légal toujours, il a fallu demander un permis d’environnement pour les toitures vertes. Cela crée un seuil financier (inutilement) plus élevé pour ceux qui veulent prendre de telles décisions durables et respectueuses de l’environnement. Il faudrait adapter ce parcours administratif. Aménager une toiture verte extensive, par exemple, ne devrait pas nécessiter un permis d’environnement. Bonne nouvelle à ce sujet: des concertations sont en cours avec la Ville d’Anvers afin d’autoriser plus rapidement les mesures de végétalisation et gestion de l’eau adaptatives au changement climatique.
Aménager une toiture verte extensive, par exemple, ne devrait pas nécessiter un permis d’environnement.
AUTRES POINTS PROBLÉMATIQUES
Du côté des coûts, on note des signaux positifs mais aussi des mises en garde. Sans compensation financière pour l’intégration des toitures vertes, la végétalisation n’aurait pas été possible et l’ensemble du système d’infiltration et de réutilisation de l’eau de pluie aurait été enterré. Les subsides font donc la différence. Un meilleur soutien s’avère toutefois nécessaire: un incitant financier serait le bienvenu, tant pour la demande du permis d’environnement que pour l’étude préliminaire qui l’accompagne, l’expertise et le temps investis par l’entrepreneur et/ou l’architecte. Enfin, des études sur la réutilisation de l’eau des toitures vertes sont également souhaitables. Cela n’est pas évident, mais ce serait particulièrement intéressant dans les endroits où les possibilités d’infiltration dans le sol sont (très) limitées.
UN GRAND POTENTIEL
Il est en fait possible d’utiliser les méthodes innovantes dans pratiquement tous les types de bâtiments. La gestion intelligente de l’eau ne nécessite pas beaucoup de place. Le projet Witte Groeten montre qu’avec les bonnes idées et les techniques appropriées, les possibilités sont nombreuses, surtout en se basant sur le contexte existant.
Texte: Wout Ectors, SPYKE
Photos: Luc Roymans
Cet article s’inscrit dans le projet Water-conscious Construction. Il s’agit d’un projet COOCK rendu possible grâce au soutien de VLAIO, l’Agence flamande pour l’Innovation et l’Entrepreneuriat. Il s’est déroulé de mars 2022 à février 2024. Outre la NAV, Embuild, Buildwise, Vlakwa et Vlario ont également été partenaires de ce projet.
FICHE PROJET
Entrepreneurs partie eau: Muurtuin/Ecoverbo/Ecoschelon
Architecte: Carl Asaert