Remplacer le deux temps n’est pas aussi facile que le pense le gouvernement flamand

Ces prochaines années, le secteur des machines de jardinage va être confronté à un certain nombre de nouveaux défis. Nous n’en citerons qu’un seul, mais c’est sans doute celui dont les conséquences sont les plus tangibles. Comment anticiper la problématique du deux temps ? Dans son récent accord gouvernemental, le Gouvernement flamand indique en effet que l’utilisation du deux temps pour l’entretien des espaces verts publics va être progressivement abandonnée. Nous sommes allés chercher (et trouver) des réponses auprès de Gracienne Geenens, CEO du constructeur de machines Eliet et présidente du groupe sectoriel « Jardin et Zones vertes » de la fédération professionnelle Fedagrim.

Nous lui avons demandé de réagir au nom de Fedagrim, la Fédération Belge des Fournisseurs de machines, bâtiments et équipements pour l’Agriculture et les Espaces Verts asbl, tout en examinant le problème avec ses yeux d’entrepreneuse. Nous nous sommes en particulier attardés sur les machines utilisées dans les jardins, parcs et bois et avons demandé comment Fedagrim se préparait à un futur de plus en plus vert, où les mots d’ordre seront « zéro émission », « formes d’énergie alternatives » et ainsi de suite.

Entrons directement dans le vif du sujet : dans le dernier accord gouvernemental flamand, une petite phrase a fait grincer des dents chez les constructeurs et distributeurs de machines. Le passage incriminé dit en substance : « Souhaitant donner le bon exemple, le Gouvernement flamand veillera à ce que les appareils deux temps utilisés pour l’entretien des espaces verts publics soient progressivement remplacés à partir de 2021 ». Madame Geenens, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision n’a pas été accueillie avec joie par le secteur.

« On ne peut pas dire que nous ayons vraiment été surpris, et la réponse à cette question doit être quelque peu nuancée. Qu’on ne s’y trompe pas : notre secteur est à cent pour cent derrière toutes les initiatives qui peuvent contribuer à rendre notre monde plus vert. Depuis des années, nous fournissons des efforts pour arriver à une adoption générale de formes d’énergie alternatives, éviter toutes les sortes de pollution, concrétiser le zéro émission etc.

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Mais il est un problème dont le Gouvernement flamand n’a pas ou pas assez tenu compte. Les solutions alternatives sont déjà nombreuses sur le marché des produits pour particuliers, mais les utilisateurs professionnels n’en bénéficient malheureusement pas encore. Le principal problème des machines à batteries est que leurs performances actuelles restent en-deçà de ce que le professionnel a besoin. Ce dernier n’a donc pas d’autre choix que de se replier vers des machines fonctionnant avec un carburant fossile. »

Les batteries lithium-ion rechargeables en particulier font pourtant l’objet d’études poussées depuis de nombreuses années déjà ? Est-ce à dire que ces dernières n’ont pas encore suffisamment évolué ?

« En fait, ces batteries posent un double problème. D’une part, elles offrent une puissance qui reste insuffisante, de 2.000 à 2.200 watts, alors qu’un professionnel en a besoin d’au moins 3.000. Ensuite, leur autonomie est insuffisante pour les pros. Un entrepreneur de jardinage qui doit pouvoir travailler huit heures par jour. Mais si ses machines sont déchargées au bout d’à peine une heure et demie de travail intensif, il ne sera guère tenté par des outils sans fil qui ne satisfont pas ou presque pas ses besoins. Je connais en tout cas peu de gens qui se baladent avec au moins cinq batteries de réserve pour pouvoir travailler du matin au soir. Il en va évidemment différemment des appareils domestiques, qui doivent être moins performants, et qui satisfont, eux, aux exigences de la plupart des consommateurs. »

« Le gros problème est que les constructeurs d’outillage professionnel doivent pouvoir suivre le mouvement, et que nous sommes encore loin du compte. Je signale toutefois en passant que nos membres souhaiteraient bénéficier d’une telle offre. Malheureusement, on ne peut pas proposer ce qui n’existe pas. Mon entreprise, Eliet, est par exemple spécialisée dans les travaux intensifs, comme les broyeurs ou scarificateurs professionnels. Nous ne demanderions pas mieux que de pouvoir proposer des alternatives, mais la plupart des travaux ne peuvent actuellement être réalisés qu’avec des moteurs thermiques, les moteurs les plus lourds fonctionnant de surcroît au gazole. Signalons toutefois que les moteurs de ces machines ont considérablement évolué ces 20 dernières années, et que leur niveau d’émissions et de bruit n’a plus rien à voir à ce qu’il était au début du siècle. Les moteurs thermiques ne seront jamais zéro émission, mais nous en sommes déjà beaucoup plus proches que beaucoup pensent. »

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« Tant la fédération que moi-même avons déjà eu différents entretiens avec le secteur des machine sur ce thème. Mais il est clair que le marché mondial des utilisateurs professionnels reste provisoirement trop petit. Encore une fois : nous sommes demandeurs, mais nous ne pouvons malheureusement pas concevoir nous-même des batteries. Du reste, le nombre de constructeurs capables de mettre au point des batteries li-ion est très réduit. »

D’autres sujets brûlants occupent sans doute le secteur ?

« Il y en a assurément, notamment la question de savoir à quoi ressemblera dans le futur le réseau de concessionnaires de machines pour jardins, parc et bois. Nous évoluons peu à peu vers un scénario ‘plug and play’, où les commandes se font de plus en plus en ligne. Cette tendance va sans nul doute évoluer, et il sera de plus en plus difficile pour les concessionnaires d’être encore rentables. Avec uniquement les revenus des entretiens et des réparations, il est impossible de nouer les deux bouts et de gérer un magasin avec ou sans personnel. »

« Dans cette optique, j’aimerais voir Fedagrim constituer un groupe de réseau auquel professionnels comme particuliers pourraient faire appel. Il nous faut donc trouver un modus operandi entre le secteur ‘domestique’ d’une part et le ‘professionnel’ de l’autre. C’est un peu comparable à la manière dont on achète du pain aujourd’hui. Bon nombre de gens se satisfont d’un pain acheté dans un supermarché, mais cela n’enlève rien au fait qu’il faudra toujours des boulangers et que nous devons leur offrir une place sur le marché… »

D’autres secteurs se plaignent amèrement du fait qu’il est devenu difficile de trouver du personnel. J’imagine qu’il n’en va pas autrement chez vous ? Qu’est-ce que la fédération fait pour remédier au problème ?

« C’est en effet un énorme problème, et la fédération est désireuse d’endosser un rôle important en termes de formation, tant pour le marché que pour les concessionnaires. Une des pistes de réflexion envisage la création d’une sorte de Fedagrim Academy, où nous formerions par exemple des gens à travailler avec les solutions électroniques pour jardins et parcs. Nous anticipons ainsi la difficulté de trouver du personnel disposant d’un bagage technique suffisant. Cette initiative nous permet d’une part de sonder l’intérêt des jeunes, mais aussi d’aider les concessionnaires dans leur recherche de personnel disposant d’une formation poussée. »

« En notre qualité de fédération, il n’y a d’ailleurs pas que sur ce plan que nous voulons redoubler d’efforts. Dans le passé, nous n’avons pas entretenu suffisamment de contacts avec le monde politique, de sorte que les politiques mises en place n’ont pas toujours correctement évalué nos besoins. Grâce à un lobbying plus intensif, nous voulons éviter des choses comme celles que nous trouvons dans le texte du récent accord gouvernemental flamand. Nous devons au contraire plus prendre la direction des opérations, et apporter les changements de cap nécessaires en formulant les nuances qui s’imposent. »

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Gracienne Geenens – présidente du groupe de travail Jardin et Zones vertes de Fedagrim

 

Plus d’informations ? www.fedagrim.be & www.elietmachines.com