Pandémie du Covid-19, quelles conséquences sur les villes ?

Du choc occasionné par la crise du Covid-19, beaucoup attendent un changement de société majeur. Chacun y va de son pronostic sur les désastres que va engendrer la pandémie ou sur les mutations positives qu’elle va permettre. Quel que soit le dénouement, les villes seront, sans nul doute, les premières à éprouver les transformations à venir, écrit Fabian Massart sur le site de la Maison de l’Urbanité.

Si la société dans son ensemble connaît actuellement des bouleversements, la ville, centre des interactions et de l’activité économique est l’espace habité le plus impacté. Les enseignements tirés du Covid-19 pourraient dès lors nous obliger à reconsidérer leur aménagement.

Le processus le plus marquant qui pourrait advenir à la suite de la pandémie en matière d’aménagement du territoire est celui de la dédensification. En effet, alors que les urbanistes prônent une utilisation parcimonieuse de l’espace, notamment à travers un réinvestissement des centres urbains, la menace sanitaire a rappelé à tous que la densité et la complexité des villes, et plus particulièrement des métropoles, sont des éléments de vulnérabilité en cas de perturbation. Les mesures liées au Covid-19 telles que l’interdiction de se rassembler et les précautions en matière d’hygiène ont réduit l’identité de certaines villes à néant. Les Parisiens en ont témoigné puisque 17 % d’entre eux ont fui la capitale aux prémices de la crise.

Ce scénario de dédensification qui correspond à un étalement urbain toujours plus prononcé est rendu plausible par un autre phénomène lié à la pandémie : la normalisation du télétravail. En effet, la période de confinement a servi d’expérimentation à grande échelle. Le télétravail fut de rigueur pour tous les travailleurs dont les tâches étaient envisageables depuis le domicile. Ces habitudes ayant démontré leur efficacité, elles pourraient perdurer avec pour résultante une baisse du coût et du temps consacrés à couvrir la distance domicile-travail. Les travailleurs, libérés de la contrainte des déplacements pourraient alors s’éloigner des centres urbains et opter pour une localisation plus paisible et meilleure marché.

La tendance qui consiste à accroître la densité des villes afin de renforcer la durabilité des sociétés est donc remise en question par cette pandémie. Les impératifs sanitaires et climatiques semblent ici rentrer en conflit. Il n’en reste pas moins que la dédensification comme réponse à la pandémie est tout à fait paradoxale puisque l’étalement urbain est une cause de celle-ci. En effet, l’artificialisation des espaces naturels et la destruction des habitats qu’ils accueillaient ont renforcé la cohabitation des Hommes avec une faune porteuse de nombreuses maladies, ce qui a augmenté le risque de transmission.

Une autre tendance controversée, particulièrement accélérée par la crise actuelle, est l’investissement des espaces publics par les nouvelles technologies. On a notamment pu observer en Corée du Sud, la réalisation d’une cartographie des déplacements des personnes infectées et en Chine, l’utilisation du Big data pour anticiper les futures propagations du virus. Permettre à l’Etat et/ou à des sociétés privées d’effectuer une telle surveillance pose question. La crainte de voir des mesures initialement éphémères être maintenues dans le temps est manifeste. Cette perspective est d’autant plus préoccupante que des partis politiques aux accents autoritaires occupent le pouvoir ou sont aux portes de celui-ci dans bon nombre de nos démocraties occidentales.

Le Covid-19 nous a cependant laissé observer des événements plus heureux. Des mesures sociales encore perçues il y a peu comme irréalistes furent, en raison de l’urgence, appliquées en quelques semaines. Les autorités bruxelloises ont, par exemple, mis en œuvre un accueil des migrants sans-abris dans des hôtels vides de la capitale afin de les protéger d’une exposition critique au virus. Par ailleurs, la solidarité qui s’est organisée en marge des mesures gouvernementales, et en dépit des règles de distanciation physique permet d’envisager un devenir positif à la période actuelle.

La pandémie a également offert des pistes concrètes pour l’urbanisme de demain. On a en effet vu apparaître partout dans le monde des dispositifs d’urbanisme transitoire en faveur d’une mobilité douce et d’une ville apaisée (élargissement des trottoirs, pistes cyclables, etc.). Les retours offerts par ces expériences invitent à la pérennisation d’aménagements durables en sortie de pandémie.

De cette crise, comme de chaque bouleversement peut advenir le meilleur comme le pire. Le Covid-19 a cependant des caractéristiques qui interrogent particulièrement l’aménagement des villes, et leur capacité à faire face à des chocs. Chocs qui pourraient être de plus en plus fréquents dans l’avenir. Pour affronter plus sereinement ces événements, il faudra s’orienter vers des villes plus sobres et résilientes intégrant des transports durables, des communautés collaboratives, une biodiversité surabondante et une économie diversifiée. Ces efforts devront être menés partout, sans quoi, la prochaine crise pourrait être celle de l’urbanité.

Source: Maison de l’Urbanité