©Ossip van Duivenbode

MVRDV : L’aménagement respectueux de la nature

Arjen Ketting, associé principal, et Quentin Aubry, designer, sont membres de MVRDV Climate. L’aménagement respectueux de la nature est l’une des principales ambitions de ce cabinet d’architecture international. Mais qu’entend-on exactement par là ? Et d’où MVRDV tient-il sa connaissance des plantes et des arbres ?

Le cabinet MVRDV dispose d’une équipe chargée du climat. Pourquoi un cabinet d’architecture a-t-il besoin d’une telle équipe ?

AK : « Les effets du réchauffement sont de plus en plus visibles. Il y a le débat sur l’azote, l’élévation du niveau de la mer, les terribles tempêtes, la sécheresse, les inondations, etc. La liste est longue, voire sans fin, alors que de nombreuses solutions évidentes restent inexploitées telles que la densification, la verdurisation et une meilleure utilisation des toits. Au sein de MVRDV, nous nous efforçons depuis un certain temps déjà de promouvoir la durabilité. Notre cabinet, composé de près de 300 architectes, urbanistes et paysagistes, s’efforce de montrer la voie et de rendre la construction moins polluante. »

Le secteur y travaille déjà. Des certificats de durabilité comme le BREEAM et le Green Star sont déjà délivrés, par vrai ?

AK : « Certainement et c’est bien, mais la durabilité a aussi des aspects sociaux et écologiques qui ne s’expriment pas forcément en certificats. Notre ambition est de prendre de plus en plus de mesures dans ce sens et d’obtenir l’adhésion de l’ensemble de la chaîne. Quelles mesures ? Vous pouvez les suivre dans les rapports RSE que nous publions chaque année. Nous estimons qu’il est important d’en rendre compte au monde extérieur également, afin que chacun puisse voir que nous ne pratiquons pas l’écoblanchiment ».

MVRDV: Natuurinclusief ontwerpen is een belangrijke ambitie.
©Ossip van Duivenbode

Quelle est votre ambition en matière de plantation ?

QA : « Nous voulons construire en tenant compte de la nature. Cela va au-delà de l’ajout d’un peu de verdure sur les façades et les toitures. La végétation doit vraiment être intégrée dans l’aménagement. Nous voulons créer des bâtiments et des espaces publics qui invitent les gens, qui apportent quelque chose. Aux yeux des administrations communales, l’élément principal est souvent la conservation de la nature. Nous étendons leur série d’exigences en y ajoutant l’amélioration de la valeur écologique d’une zone. »

Avez-vous développé un outil spécial à cet effet ?

AK : « Oui, nous avons mis au point un outil de définition d’objectifs qui intègre la nature ; une sorte de liste de contrôle pour aider les équipes de l’aménagement à tenir compte de l’écologie dès le début des projets. En tant qu’architecte, vous pouvez aspirer à la verdurisation, mais vous devez, pour cela, convaincre le client et faire en sorte qu’il vous suive. »

MVRDV: Natuurinclusief ontwerpen is een belangrijke ambitie.
©Ossip van Duivenbode

Et que faites-vous pour convaincre le client ? Les développeurs regardent surtout le coût, non ?

AK : « Lorsque nous présentons un plan de plantations, ce que nous cherchons surtout, c’est à montrer à nos clients les avantages. Une construction respectueuse de la nature ne garantit pas seulement la biodiversité ; elle est également bonne pour la rétention d’eau. On en profite tous. Un toit vert rafraîchit mieux un bâtiment, demande moins d’entretien et entraîne moins de risque d’inondation. Je pourrais continuer encore et encore. Je remarque que les clients sont de plus en plus sensibles à ce genre d’arguments. »

Le cabinet MVRDV s’occupet- il toujours en personne de la végétation et de la sélection des plantes ou travaille-t-il avec des agences externes ?

QA : « Nous faisons beaucoup nous-mêmes : en plus des architectes et des concepteurs urbains, nous employons également des architectes paysagistes. Notre avantage est notre taille. Elle nous permet de réagir avec souplesse. Nous travaillons avec huit studios de design et nous pouvons donc facilement partager nos connaissances ».

Vous ne pouvez pas tout faire seul. Pour Valley, par exemple, vous avez collaboré avec Piet Oudolf.

AK : « Les spécialistes sont très importants pour nous. Quelques exemples : pour le plan directeur de Matosinhos, au Portugal, nous avons travaillé avec LOLA Landscape Architects. Pour Depot Boijmans Van Beuningen, à Rotterdam, nous avons collaboré avec MTD Landscape Architects. Nous avons récemment agrandi notre jardin dans la cour intérieure à l’occasion de l’initiative “specialism month” et le créateur de jardins et expert en végétation Cor van Gelderen, l’expert en aménagements verts Jessie Straathof et l’expert en plantations et jardinier Marcel Silkens du collectif De Bloeimeesters sont venus faire une présentation et ont organisé un atelier. Nous avons eu un agréable échange d’idées avec cette coopérative d’experts en végétation. »

Dans quelle mesure est-il important que vous continuiez à vous perfectionner ?

AK : « Il est capital de continuer à apprendre en permanence. Ce n’est pas pour rien que le mot biodiversité se termine par “diversité”. La vaste connaissance des plantes que ces spécialistes ajoutent à nos conceptions apporte une grande valeur ajoutée. Nous concevons souvent de grands projets durant lesquels un architecte paysagiste est ajouté à une équipe par le client ou par nous-mêmes. Mais nous réalisons aussi très souvent des projets dans lesquels le client ne prête pas attention au paysage. Dans ce type de projet, où nous réalisons nous-mêmes l’aménagement paysager, nous aimons travailler avec des experts en végétation. Nous parvenons ainsi souvent à créer quelque chose de plus pour tous les utilisateurs, qu’il s’agisse de l’homme ou de la faune, avec des ressources minimales. »

Citez un exemple récent de verdurisation.

QA : « L’exemple le plus récent est le projet Valley dont nous avons déjà parlé. L’objectif était de concevoir un bâtiment multifonctionnel durable et abordable qui permettrait de verduriser ce quartier funeste d’Amsterdam, le Zuidas, et de le rendre ainsi vivable. Le NRC Handelsblad l’a déjà qualifié d’oasis parmi les tours de bureaux. Nous espérons que l’initiative fera des émules et que la ville ajoutera des parcs au niveau du sol également. L’histoire est déjà bien connue, mais en résumé, nous avons ajouté 370 jardinières en pierre naturelle avec de la végétation spécialement sélectionnée pour le site par le paysagiste Piet Oudolf et le bureau Delta Vormgroep. Ce n’est pas pour rien que le choix s’est porté sur une végétation jeune. Les plantes et les arbres ont ainsi de meilleures chances de survie. Chaque végétal est adapté à son emplacement, au vent, au soleil et à l’ombre. Au total, et cela se précise, 227 arbres et arbustes de 63 espèces, 12 846 plantes vivaces de 155 espèces et 391 plantes grimpantes de 5 espèces ont été ajoutés au bâtiment. »

Sur le site Depot, vous avez également planté une forêt sur le toit et celle-ci a été primée avant même son inauguration.

AK : « J’ai été chef du projet pendant sept ans et on peut dire que j’ai vraiment vécu avec ce bâtiment. Depot Boijmans Van Beuningen est construit dans un parc. Pour la construction, il a bien sûr été nécessaire d’enlever des arbres. Pour affecter le moins possible le parc, nous avons réduit au maximum l’empreinte du bâtiment et nous avons créé la forêt sur le toit, à titre de compensation. Comme il s’agit d’un paysage à 34 mètres de hauteur, nous étions limités dans le choix des espèces. En fin de compte, nous avons opté pour des bouleaux multitiges, de véritables pionniers capables d’encaisser des coups. Les 75 bouleaux du toit ont été préparés pendant trois ans dans une pépinière, leurs racines sont aussi plates que possible et ils ne sont pas plantés dans des caissons, mais dans un mètre de terre. La forêt de toit a déjà subi ses premières tempêtes et elle a bien résisté. Lors de la conception du pavillon sur le toit, le restaurant Renilde, nous avons également tenu compte des arbres ; il a la forme d’une croix pour que les arbres ne reçoivent pas de vent venant de derrière. Ils sont comme nous, ils n’aiment pas ce genre de courant d’air. »

Verdurisation est un mot à la mode. Comment éviter l’écoblanchiment ?

QA : « Chez nous, la nature fait vraiment partie intégrante des projets. Nous avons élaboré une liste de contrôle qui est plus large que celle des administrations communales ou municipales. Notre idéal est que le paysage s’étende du rez-de-chaussée au sommet des bâtiments. » Mettez en pratique ce que vous prêchez, dit-on. Vous avez développé un jardin vertical de façade dans la cour de votre bureau. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?

QA : « Je suis le responsable de ce projet. Je pense qu’il est très important pour nous de montrer que l’inclusion de la nature est un impératif qui nous tient à coeur. Nous avons conçu un jardin vertical pour verduriser une cour en pierres. À cette fin, Omlab a mis au point des caissons spéciaux destinés à héberger la faune. C’est passionnant, car ils essaient avec nous des matériaux naturels qu’ils n’ont jamais testés auparavant. Tout est circulaire et biosourcé. Plus de 700 plantes, surtout des variétés locales, ont été placées dans les bacs. Nous utilisons les plantations pour étudier ce qui fonctionne et comment mettre en place l’irrigation d’une telle façade verte. À l’occasion de la Journée de la Terre, j’ai demandé à des collègues d’aider à la plantation et à l’entretien. Nous avons passé un après-midi très agréable. Le jardin de façade n’est donc pas seulement un moyen d’acquérir des connaissances ; c’est aussi un outil social. »

Vous participez également au projet « NK Tegelwippen ». De quoi s’agit-il ?

QA : « En novembre, nous avons étendu ce projet à un autre jardin. En quelques mots, nous avons supprimé une grande partie des dalles de la cour. En collaboration avec le collectif De Bloeimeesters, nous essayons de créer un jardin avec des plantations très diverses. C’était très instructif, car nous avons l’habitude d’ajouter des espèces locales à nos bâtiments et cette initiative montre que la diversité à ce niveau-là est également possible. La collaboration avec De Bloeimeesters a apporté de nouvelles perspectives à cet égard. »

Des projets tels que Depot et Valley ont été conçus il y a plusieurs années, avec les connaissances écologiques de l’époque. Que feriez-vous différemment si vous deviez le remanier aujourd’hui ?

AK : « Je peux surtout parler de Depot. Si je devais réaménager la forêt de toit aujourd’hui, je me risquerais à y planter également des arbres à fleurs. On a eu peur de perturber la biodiversité et on a craint que les oiseaux s’envolent vers la mort. Mais à ma connaissance, un an après l’inauguration, les fenêtres n’ont pas fait de victimes. Le vent et le risque subséquent de présence de sel dans l’air ont été pris en compte pour que le sel reste dans les bouleaux et les pins. Mais à présent que j’y pense, je me dis que c’est très bien : grâce à cette petite variation, vous avez une «pièce» claire qui s’intègre dans les autres «pièces» créées dans le parc. Cela relie de manière claire la forêt de toit audessus et le parc en dessous. »

WWW.MVRDV.NL

MVRDV CLIMATE
L’initiative existe depuis 2017. Elle a été lancée par des architectes concernés qui ont attiré l’attention sur la durabilité en organisant divers événements sur le sujet. L’initiative a débouché sur la rédaction d’un manuel intitulé « Green Reality », une sorte de guide de la verdurisation à l’attention des gestionnaires de projets. Avec l’arrivée de deux experts en durabilité qui ont évalué chaque projet à l’aune des ODD, les choses sont devenues encore plus sérieuses. MVRDV Climate se compose désormais d’une section Climate Collective et d’une section Climate Lab. La section Climate Lab aide les équipes de conception à concevoir de manière plus durable et participe à plus de la moitié des 200 projets sur lesquels MVRDV travaille. Climate Collective est un groupe de projet qui se consacre à l’amélioration des bureaux.