Utiliser les précieux espaces inexploités pour une ville adaptée au climat. © René Post, Boomkwekerij Ebben

L’habitabilité de la ville : The Urban Jungle Project

D’ici 2050, 80 % de la population mondiale vivra en ville. L’urbanisation et le changement climatique exercent une pression sur l’habitabilité de nos villes : stress thermique, pollution atmosphérique et précipitations excessives constituent des risques majeurs pour notre santé et l’habitabilité des villes. La nature offre la solution, mais elle ne trouve pas sa place dans nos villes bâties.

Et si nous parvenions à mieux exploiter l’espace qui existe dans les villes, par exemple sur les toits ? Les Pays-Bas comptent 400 km² de «paysages de toit en friche», comme les appelle Jan Henk Tigelaar de Rooftop Revolution, une fondation qui s’intéresse à l’exploitation multifonctionnelle des toits. Un espace précieux inutilisé qui pourrait être utilisé pour l’adaptation au climat de la ville, avec tous les avantages fonctionnels, écologiques et économiques que cela apporterait.

La valeur de la végétation

Quiconque se promène dans un parc urbain par une journée d’été ensoleillée est sans doute conscient de l’effet agréable que la végétation peut avoir sur le cadre de vie de la ville. Elle permet de rafraîchir l’air pendant les périodes chaudes, de filtrer le CO2 et les particules fines de l’air et de fournir de l’oxygène en retour, d’absorber l’eau qui, autrement, finirait dans les égouts, d’atténuer le bruit et de favoriser la biodiversité. La nature contribue ainsi à l’habitabilité de la ville.

l’arbre baptisé «Urban Tree» est non seulement de moindre poids, mais il a aussi des
racines qui se développent dans une motte spécialement préparée avec un substrat léger
plutôt qu’en pleine terre. Il ne pèse qu’une fraction de son poids normal et permet ainsi
de verduriser des endroits où la nature ne pourrait autrement prospérer.
l’arbre baptisé «Urban Tree» est non seulement de moindre poids, mais il a aussi des racines qui se développent dans une motte spécialement préparée avec un substrat léger plutôt qu’en pleine terre. Il ne pèse qu’une fraction de son poids normal et permet ainsi de verduriser des endroits où la nature ne pourrait autrement prospérer. © René Post, Pépinière Ebben

Sans compter que la végétation rend le monde tout simplement plus beau. Mais combien différente est donc l’image, loin des parcs, dans nos villes pétrifiées ? Celles-ci se caractérisent par des immeubles denses et le plus souvent hauts, des rues animées avec du trafic et beaucoup de trottoirs et tellement peu de place pour la nature !

Mais heureusement, une prise de conscience s’amorce et on se rend de plus en plus compte aujourd’hui du rôle important que joue la végétation dans la
ville et dans l’environnement bâti au sens large. Résultat ? De plus en plus de tours résidentielles vertes s’élèvent dans un nombre croissant d’endroits. On supprime les tuiles et on les remplace par des plantes. Ou on végétalise les toitures. Une évolution qui ne doit pas se limiter aux nouveaux bâtiments : si nous voulons rendre les villes plus vertes, le potentiel principal réside dans l’environnement bâti existant.

Favoriser une alliance entre la nature et la technologie pour verduriser aux endroits où la nature ne peut prospérer autrement.

Verduriser aux endroits où la nature ne peut prospérer autrement

L’innovation est cruciale pour parvenir à de nouvelles possibilités de faciliter la nature en ville. The Urban Jungle Project développe des solutions innovantes de verdurisation aux endroits où la nature ne pourrait prospérer autrement. Par exemple, l’arbre baptisé «Urban Tree » est non seulement de moindre poids, mais il a aussi des racines qui se développent dans une motte spécialement préparée avec un substrat léger plutôt qu’en pleine terre. De ce fait, il ne pèse qu’une fraction de son poids normal et peut être placé sur des toits non conçus à cet effet ou dans des endroits où les câbles et les tuyaux limitent les possibilités de développement en pleine terre.

Une méthodologie similaire s’applique à la « Jungle Box » : un caisson modulaire et léger contenant des plantes ou des arbustes et une réserve intégrée d’eau qui permet de placer des plantes vivaces sur les toits sans avoir à remplacer la toiture existante. Les caissons sont une alternative aux cassettes de sedum, qui sont installées en tant qu’éléments fixes sur le toit et qui ont un impact minimal sur la biodiversité.

En outre, malgré leur poids limité, les caissons ont un pouvoir tampon considérable pour l’eau de pluie. Grâce aux capteurs, les arbres, les arbustes et les plantes vivaces reçoivent exactement la quantité de nourriture et d’eau dont ils ont besoin pour prospérer. En laissant la nature « se marier » avec la technologie moderne, il devient possible de verduriser des lieux uniques, ce qui contribue à rendre la ville plus verte, plus saine et donc plus vivable.

Alors que naguère le toit du complexe d’appartements n’était qu’un îlot de chaleur
fait de bitume et de graviers, c’est désormais un toit vert de plus de 16 mètres de
haut, avec une grande variété de plantes et d’arbres qui resplendit ici.
Alors que naguère le toit du complexe d’appartements n’était qu’un îlot de chaleur fait de bitume et de graviers, c’est désormais un toit vert de plus de 16 mètres de haut, avec une grande variété de plantes et d’arbres qui resplendit ici. © René Post, Pépinière Ebben

Un « jardin zoologique» sur le toit de la ville

C’est ainsi que récemment, un toit en graviers de pas moins de 750 m², situé sur un immeuble au cœur d’Amsterdam, a été transformé en un «pôle de biodiversité » rafraîchissant, composé de quelque 10000 plantes vivaces et sept arbres. L’initiative a été lancée par plusieurs membres de l’association des propriétaires concernée, qui souhaitaient verduriser la toiture au lieu d’utiliser la climatisation pour lutter contre la chaleur en été. L’immense toiture du complexe d’appartements était une occasion unique.

En collaboration avec The Urban Jungle Project et Rooftop Revolution, ils ont lancé ce projet et ont convaincu les voisins. Les solutions de poids léger ont permis de placer des arbres et des plantes vivaces sur une toiture initialement non conçue pour les accueillir. Le résultat est une toiture verte modulaire réalisée sur la toiture existante (qui n’a donc pas dû être remplacée prématurément), avec pour conséquence que les climatiseurs précédemment souhaités ne sont plus nécessaires compte tenu de l’effet isolant de la toiture verte.

Le toit peut en outre désormais stocker plus de 37000 litres d’eau (de pluie) et, grâce à une grande variété de plantes vivaces et d’arbres, il constitue une oasis de biodiversité au milieu de la ville. Eva Drukker de l’université et de la recherche de Wageningue étudie actuellement l’impact réel du toit vert sur la biodiversité dans le cadre de son doctorat sur la biodiversité sur les toitures urbaines.

Les connaissances sont cruciales pour appliquer l’écologie avec succès.

Des immobilisations aux actifs… vivants

La nature a besoin d’un coup de pouce pour s’épanouir dans des endroits où elle ne peut le faire autrement. C’est le résultat de la manière dont nous, les hommes et les femmes, avons conçu notre environnement de vie minéralisé en nous fondant sur le sacro-saint principe de l’efficacité. Mais aujourd’hui, alors que la qualité de notre environnement de vie est sous pression, nous nous rendons compte, dans la douleur, qu’il est impossible de se passer de la nature et que la construction inclusive de la nature est essentielle pour maintenir notre environnement de vie sain. L’écologie n’est donc plus un luxe, mais bien une composante essentielle du logement.

L’importance de l’écologisation se traduit en outre par des cadres politiques en termes d’appels d’offres, de conditions dans le cadre des permis et de la certification et de systèmes d’incitation tels que les subventions. Mais les consommateurs ont également des exigences en matière de durabilité des bâtiments dans lesquels ils vivent et travaillent.

L’utilisation de matériaux durables et de technologies intelligentes permet de réduire l’empreinte des bâtiments, et l’application de la végétation a un impact visible sur la qualité de vie dans l’environnement bâti. De cette manière, nous transformons des « immobilisations » en « actifs vivants », l’impact fonctionnel et économique de la végétation sur la valeur des bâtiments et de leur environnement immédiat devenant de plus en plus quantifiable, ce qui contribue à justifier les investissements.

La qualité dépend de la connaissance des végétaux

L’importance des services écosystémiques que la nature peut fournir comme solution aux défis de la vie urbaine est de plus en plus évidente. Cette confession se traduit par tous types d’initiatives dans l’environnement bâti, donnant lieu aux visualisations les plus spectaculaires. Mais une belle offre verte ne suffit pas pour faire un beau bâtiment vert. En effet, la végétation est un élément vivant et, sur le plan fonctionnel, elle n’est pas aussi prévisible que le béton ou l’acier. Pour réussir à appliquer la nature dans l’environnement bâti, les connaissances écologiques sont donc cruciales.

La coopération avec De Bloeimeesters

«C’est la diversité au sein de cette équipe qui fait de De Bloeimeesters un collectif unique. Nous sommes pépiniéristes, architectes de jardin et paysagistes, concepteurs, jardiniers, experts en plantations et en arbres. En prêtant attention aux facteurs de localisation locaux dans la phase de développement des projets verts et en les utilisant comme point de départ pour choisir un assortiment approprié dans un plan de plantation, nous augmentons considérablement la qualité du projet réalisé et son impact sur le cadre de vie.

Il est, par ailleurs, possible d’éviter les coûts inutiles dus à un sol inadéquat, à un mauvais choix d’assortiment ou à des plantations inappropriées. Et bien qu’une bonne préparation soit, ici aussi, la moitié de la bataille, la perspective d’un suivi sous forme de gestion et d’entretien ne doit pas être négligée afin de garantir la qualité de la végétation à long terme dans le but de permettre à la nature d’apporter sa contribution indispensable à la santé du cadre de vie de la ville ».

www.theurbanjungleproject.com
www.rooftoprevolution.nl


Texte : Harmen Kraai, horticulturist, The Urban Jungle Project
Photographie : René Post, Boomkwekerij Ebben