L’évolution des jardins ces dernières années et comment se dessine l’avenir
De nos jours, avoir un jardin n’a vraiment plus rien d’exceptionnel. Mais il y a quelques siècles, il en allait tout autrement. Seuls les plus riches pouvaient s’offrir un tel luxe. Aujourd’hui, ce sont principalement les moyens financiers et l’intérêt qui déterminent la taille du jardin. Les conflits mondiaux ont également influencé l’apparence des jardins. Par exemple, les pénuries alimentaires qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont encouragé la création de potagers. Avec l’augmentation de la prospérité, les potagers ont largement disparu dans les années 1960. L’espace ainsi libéré s’est teinté de vert. Trois bouleaux et un massif de roses pour une touche décorative, une rangée de conifères pour l’intimité et un banc sur la vaste pelouse pour se ressourcer. Soixante ans plus tard, les catastrophes naturelles successives nous obligent à nouveau à réorienter l’architecture paysagère. Plus qu’une tendance, les jardins résistants au climat sont aujourd’hui une nécessité!
Soixante ans plus tard, les catastrophes naturelles successives nous obligent à nouveau à réorienter l’architecture paysagère. Plus qu’une tendance, les jardins résistants au climat sont une nécessité!
Jardins monotones – un attrait purement esthétique
Sous l’influence de circonstances extérieures, comme le manque d’espace, les parcelles plus petites et la flambée des prix des terrains à bâtir, les jardins se font plus compacts. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, ces jardins présentent souvent un rapport divergent entre le gris et le vert. On privilégie les terrasses généreuses, mais le choix de plantes manque cruellement de variété. Il suffit de voir la profusion de massifs de buis et d’osmanthe ou les grandes étendues de Pennisetum. Sans parler des pelouses “joliment” tondues.
Malgré leur aspect esthétique, leur aménagement professionnel et leur cachet de qualité, ces jardins sont bien souvent des cimetières pour la biodiversité. Les plantations monotones éloignent les ennemis naturels, les plantes développent peu ou pas de résistance, laissant le champ libre aux maladies et parasites. Ils nécessitent en outre une tonte et une taille régulière, réduisant encore leur valeur nutritionnelle.
Malgré leur aspect esthétique, leur aménagement professionnel et leur cachet de qualité, ces jardins sont bien souvent des cimetières pour la biodiversité. Les plantations monotones éloignent les ennemis naturels, les plantes développent peu ou pas de résistance, laissant le champ libre aux maladies et parasites.
Les conditions météorologiques de ces dernières années et le réchauffement climatique jouent également un rôle particulier. De plus en plus de propriétaires optent pour une piscine ou un étang de baignade, ce qui modifie considérablement l’aspect d’un jardin. Lors de la pandémie de coronavirus, les demandes se sont envolées. Ces plans d’eau répondent à la recherche de rafraîchissement et de détente, mais sur le plan écologique, ils sont difficilement conciliables avec la pénurie aiguë d’eau. Et que penser du pompage nécessaire pour créer ce type de jardins? Une autre contradiction qui nous amène à l’arrosage. C’est une période faste pour les entrepreneurs qui se sont spécialisés dans ce domaine. Face aux enjeux sociaux et économiques, c’est une excellente démarche, mais écologiquement, cela nuit aux écosystèmes. L’arrosage permanent en période de sécheresse et de chaleur met précisément ces milieux en situation de stress et perturbe gravement leur cycle naturel d’évaporation et d’absorption, causant souvent la mort soudaine des arbustes, par exemple. Le modèle actuel de piscines et d’arrosage est-il tenable? Seul l’avenir nous le dira.
Jardins luxuriants – une explosion de saveurs
Aujourd’hui, les jeunes familles optent pour des jardins plus naturels et sauvages. Les gens aspirent à plus de spontanéité, aux découvertes et à la tranquillité que dégage un environnement verdoyant bien fourni.
Les jardins naturels restent évidemment structurés et contrôlés. La différence avec les jardins traditionnels réside en partie dans la stratification. L’habituel gazon impeccable cède la place à la couleur et à la vie, à mesure que les marguerites, le trèfle et la brunelle regagnent leur cœur du public.
De nos jours, les jeunes familles optent pour des jardins plus naturels et sauvages. Les gens aspirent à plus de spontanéité, aux découvertes et à la tranquillité que dégage un environnement verdoyant bien fourni.
Même en termes de surface, la pelouse recule au profit de bordures luxuriantes et les aménagements monotones cèdent le pas aux plantations débordant de vitalité et attirant abeilles, papillons et autres insectes. Cette conception plus naturelle ajoute de la richesse, de la couleur et du plaisir à l’expérience.
L’offre de nichoirs, mangeoires et hôtels à insectes stimule à petite échelle le caractère positif, désinvolte et naturel de ces nouveaux jardins. L’avènement des jardins alimentaires, aromatiques ou de cueillette où l’on peut récolter fleurs, feuilles, baies, noix, fruits et même racines incarne cette nouvelle tendance et le retour des saveurs au jardin.
Les jardins contemporains prennent un nouveau sens
Jusqu’à présent, les jardins privés répondaient surtout à notre besoin de détente et d’expérience. Mais une autre considération s’impose peu à peu.
Cet article a été écrit pendant un mois de novembre particulièrement humide et, bien que nous ayons été quelque peu épargnés, le mois d’octobre a été le plus chaud jamais enregistré dans le monde entier. Juin et septembre 2023 ont aussi battu des records de températures. Il est grand temps d’utiliser tous les moyens possibles et d’unir nos forces pour empêcher notre climat de dérailler davantage.
Et c’est précisément là le nouveau sens des jardins privés en 2024. En effet, outre l’aspect détente, les 12% de surface que représentent tous les jardins de Flandre peuvent jouer un rôle important dans la gestion de l’eau. Ils peuvent limiter l’évaporation lors des fortes chaleurs et faciliter la mise en tampon et l’infiltration lors des fortes précipitations.
Les jardins flamands peuvent jouer un rôle important dans la gestion de l’eau. Ils peuvent limiter l’évaporation lors des fortes chaleurs et faciliter la mise en tampon et l’infiltration lors des fortes précipitations.
Sensibilisation croissante à la problématique climatique
La prise de conscience graduelle du changement climatique oblige les propriétaires, les paysagistes et les entrepreneurs de jardin à repenser leur approche. Les réglementations plus strictes et la prise de conscience croissante font grimper la demande de pavages perméables et drainants et la désasphalisation des jardins s’accélère.
Le marché réagit à cette évolution. Les discussions avec les différents partenaires de la FBEP montrent des approches variées, mais avec une démarche holistique. L’objectif est de créer des projets sur mesure qui partent des problèmes spécifiques et offrent une solution globale.
Les toitures et façades végétalisées gagnent également du terrain. Le contrôle de la qualité du sol est crucial. Les analyses de sol révèlent la composition, la capacité de drainage et les éléments nutritifs du sol, ainsi que les organismes qui y vivent. Les pavages sont désormais dotés de joints ouverts ou même végétaux. L’eau de pluie est acheminée vers les plates-bandes, les tampons, les citernes, les oueds ou les égouts, en fonction des options et de l’aménagement du jardin.
Les surfaces pavées sont transformées en oasis de verdure en équilibrant le sol, notamment grâce à des plantations variées et des engrais organiques.
Pour prévenir la vulnérabilité aux maladies et aux parasites à long terme, on recommande la règle 80-20. Lorsqu’on connaît les organismes, l’équilibre hydrique et la capacité de drainage du sol, il est possible d’obtenir 80 % de plantes saines.
Cette prise de conscience est stimulée par le gouvernement qui, par le biais des « Green Deals », encourage les entrepreneurs et les consommateurs à augmenter la végétation dans les espaces publics. Nos futurs collègues ou employés sont également concernés par cette vision du jardin privé du futur, soucieuse du climat. Le concours scolaire « Jardinier prometteur » consacrera l’édition de son 15e anniversaire à l’aménagement d’un jardin respectueux de l’environnement.
D’autres projets comme “Het Tuinaannemereffect” s’attachent également à sensibiliser le public. Cette campagne du Centre flamand de promotion de l’agriculture et de la pêche (VLAM) explique aux consommateurs l’importance de la tonte et la taille raisonnées, du pavage fonctionnel, de la stratification des plantations, de la diversité et de la valeur écologique.
L’émission télévisée “Van Droom tot Tuin” aborde également de nombreux sujets pertinents et les compétences techniques d’un entrepreneur de jardins. L’émission “Goed Geplant” motive les consommateurs à travers une approche plutôt lifestyle.
Le rapport sur les tendances du VLAM sera publié fin 2024. Intéressé(e) ? Restez informés via notre site www.bfg-fbep.be.
C’est à nous, paysagistes, qu’il incombe de concrétiser tout cela avec professionnalisme et compétence et d’apporter ainsi, avec notre secteur, une contribution importante à la qualité de vie future dans notre pays.
Avec nos remerciements à Marc Verachtert (journaliste du jardin), Filip Melis & Luc Lippens (Briqueterie Vande Moortel), Steven De Bruycker (partenaire de la pépinière Mentens), Sven Van Regemortel (DCM) et Herwig Dessers (Ebema).
Texte : Lisbeth Creemers
Photos : Ebema_Stone&Style, Marc Verachtert, Briqueterie Vande Moortel