Les jardins de Vaux-le-Vicomte en deuil [VIDEO]

Le 19 mars 2020, Patrice de Vogüé est décédé à l’âge de 91 ans. Inlassable défenseur du domaine de Vaux-le-Vicomte, il avait récemment passé la main à ses trois enfants. Associé très tôt aux travaux entrepris par le minister des Finances Nicolas Fouquet, Le Nôtre, maître absolu des jardins français, contribua à faire de Vaux-le-Vicomte un chef-d’œuvre.

 

Petit neveu d’Alfred Sommier, Patrice de Vogüé a reçu en 1967 le domaine de Vaux-le-Vicomte en cadeau de mariage. Un cadeau bien encombrant quand l’on sait les besoins en matériel et en homme pour l’entretien d’un tel château et d’un tel parc. Il faut rappeler qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle propriété. Situé sur le territoire de la commune de Maincy (Seine-et-Marne), Vaux-le-Vicomte est le château construit par Louis Le Vau pour le surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet.

 

L’histoire du lieu est connue. Après avoir fait appel aux plus grands artistes, du peintre Charles Le Brun au jardinier André Le Nôtre, Nicolas Fouquet invite le roi le 12 juillet 1661 à une grande fête organisée par François Vatel. Le château est impressionnant avec sa centaine de pièces, son Grand salon en rotonde, ses enfilades avec le salon d’Hercule et la Chambre des Muses décorés par Le Brun. Devant tant de faste, Louis XIV se vexe, fait arrêter Nicolas Fouquet, ordonne un long procès à charge et les scellés sont apposés à Vaux. Non confisqué, le château est alors abandonné par les créanciers à Madame Fouquet. Elle maintient sa propriété dans la famille, qui le garde jusqu’en 1705.

Vaux passe ensuite au maréchal de Villars (écrivant que « la mariée est trop belle et elle coûte cher ; trop de cascades, trop de fontaines ») puis aux Choiseul-Praslin jusqu’à ce que le riche raffineur de sucre et collectionneur Alfred Sommier l’achète en 1876. Lui et son fils Edme Sommier font restaurer le château par l’architecte Gabriel Hippolyte Destailleur et les jardins par Elie Laisné et Alfred Duchêne. Le domaine appartient ensuite à Jean de Vogüé, le neveu d’Edme Sommier, qui le lègue ensuite à son fils Patrice.

Des coûts hors normes

Dès 1968, Patrice de Vogüé ouvre le domaine au public pour faire face aux dépenses de préservation et de restauration. Avec son épouse, il ouvre un restaurant, crée des dîners aux chandelles, des visites de nuit. Il fonde l’association des Amis de Vaux-le-Vicomte en 1983. En 2005, pour pouvoir faire refaire la toiture du château (120 000 ardoises et 250 000 clous de cuivre), il vend les 21 volumes du Cabinet du roi qui ornait sa bibliothèque (étude Beaussant-Lefèvre). Il faut 3,5 millions d’euros pour réaliser un tel chantier sur quatre ans. Des films comme Angélique et le Roy (1966), Les Mariés de l’An II (1971) et Ridicule (1997) sont tournés sur place et ramènent quelque argent.

En 2015, Ascanio de Vogüé rejoint ses deux frères Alexandre et Jean-Charles qui aidaient leur père à la tête de la maison. On se souvient qu’en septembre dernier, des voleurs s’étaient introduits dans la propriété, avaient ligoté Patrice et Christina de Vogüé et s’étaient emparé d’un butin estimé à deux millions d’euros. Tous les amateurs du patrimoine peuvent admirer le travail fait par cette grande famille qui, depuis cinq générations, assure la gestion et l’entretien de ce chef d’œuvre de l’art français du Grand Siècle.

L’art de surprendre le promeneur

« Le Nôtre a fait en sorte que le promeneur ne puisse jamais anticiper ce qui l’attend » – Patrick Borgeot, chef jardinier de Vaux-le-Vicomte

Trente-trois hectares se déroulent sous les yeux du visiteur qui, hier comme aujourd’hui, expérimente au fil de sa promenade l’extraordinaire maîtrise des espaces qui se transforment à mesure qu’il avance. Chaque fois qu’il pense avoir atteint un point, celui-ci lui en dévoile un autre, sous l’œil omniprésent d’Hercule qui, ses travaux accomplis, se repose sur sa massue, seul élément visible depuis n’importe quel endroit. Parterre de Au pied de l’Hercule, vue du château et des parterres. Les parterres, la Couronne, grille d’eau, miroir, cascade, canal et grotte sont quelques éléments magnifiques d’une scénographie unique qui se joue d’un grand axe apparent pour en dévoiler d’autres. Les jardins de Vaux, comme chacune des réalisations de Le Nôtre, ne se découvrent qu’en les arpentant. Alors seulement la magie opère et les lignes, simples en apparence, se mettent à leur tour en mouvement et dévoilent leur richesse et leur complexité.

Le parterre de broderie devant le château

Les parterres de broderie végétale sur un fond couvert de particules minérales (sable, terres de différentes couleurs, mâchefer, ardoises ou tuiles pilées) connurent une lente évolution entre les premiers modèles dans le dernier tiers du XVIe siècle et leur apogée sous André Le Nôtre. Situés au pied du bâtiment, ceints de terrasses afin d’en voir mieux les détails, les parterres de broderies de buis atteignirent avec Le Nôtre une ampleur sans précédent obligeant à fournir un dessin plus serré au premier plan et plus lâche dans le lointain. Les parterres de broderies ont été restitués par Achille Duchêne, au début du XXe siècle.
En 2019, les buis, affligés de diverses pathologies, ont dû être arrachés, laissant un espace vaquant devant la façade sud du jardin. Durant deux à cinq ans, ils seront remplacés par une création contemporaine : des arabesques de métal imaginées par Patrick Hourcade.

vaux-le-vicomte.com