Lecture / Fleurs

L’écrivain-jardinier Marco Martella, fondateur de la revue littéraire « Jardins », et auteur de différents ouvrages dont auteur du «Jardin perdu» et de «Jardins en temps de guerre», ouvre de nouveaux espaces, fragiles et accueillants, empreints de “la poésie des fleurs”. Narcisses, campanules, «zagare» (fleurs de citronniers), églantines ou berces du Caucase, les fleurs ici cueillies exhalent le souvenir nostalgique de l’enfance, d’une rencontre, d’un éblouissement, comme autant de concentrés de vie.

 

Marco Martella poursuit dans ce nouveau livre – qui aurait pu s’intituler selon lui : « Entretien sur la beauté ou Dialogues autour des fleurs » – sa recherche de définition (sans fin) des jardins ou plutôt ce qu’ils incarnent de plus profond chez les êtres humains.

Par-delà les charmilles du parc, il voyait les cimes des arbres poussant hors de l’enceinte du domaine, dans les forêts, et il rêvait de pouvoir se promener là-bas. Il savait qu’au printemps le sous-bois était tapissé d’anémones et de jacinthes sauvages, il les entrevoyait depuis la fenêtre de la berline familiale lorsqu’il quittait le manoir avec ses parents et, deux ou trois fois, il avait même aperçu la mer au loin. C’était cela le vrai monde, cet espace sans limites où l’on pouvait marcher librement sur des sentiers se perdant dans les bois, vers l’inconnu, comme dans les livres d’aventures qu’il lisait le soir au lit.

Fleurs est un recueil de plusieurs conversations menées avec des personnalités dans leurs jardins ou sur des jardins qu’elles ont étudiés ou connus comme celui d’Emily Dickinson. Mais souvent, il s’agit de jardins imaginaires, créés ou reconstruits à partir de phrases, de bout de vie retrouvés çà et là par l’écrivain.
Jardin de toute une vie, jardin attaché à l’enfance, dernier jardin… à l’image du jardin du château du Ringkobing au Danemark, où Jakob Petersen a passé toute une vie de malade, à se régénérer au contact d’une nature qui peu à peu prenait l’ascendant sur un jardin autrefois très jardiné : « (…) il ne comprenait rien au jardinage mais il n’acheta pas, comme le font souvent les néophytes, des manuels ou des livres. Il n’apprit jamais à tailler les plantes pour leur donner une forme ornementale ou stimuler leur croissance. Il ne connaissait pas les noms de la plupart des arbres. « A quoi bon ? » (…) Car il avait fini par les aimer passionnément, il les connaissait un par un, ils étaient des individus à ses yeux. »
Il ressort de toutes ces pages de rencontres et de dialogues, à travers lesquelles Marco Martella invente ou réinvente – sous couvert – une part de ses propres jardins, à l’image du jardin du dernier chapitre, retour en Sicile : fleurs, fruits, parfums, lieux, souvenirs… l’essence même du jardin : la quête du paradis perdu et la quête pour le retrouver, dans les jardins.

Marco Martella, éditions Actes Sud, coll. Un endroit où aller