© SPATwater (Jesse Schoenmakers) & Scherpgesteld (Thomas Klomp)

La gestion de l’eau dans le privé

Notes, plans, rapports et, oui, même visions. Après des années de manque d’intérêt pour l’aménagement du territoire, nous sommes submergés de rapports sur l’avenir des Pays-Bas. Les mots-clés sont : bleu, vert et résistant au climat. Mais ces visions ne proposent souvent que des solutions globales pour les espaces publics. Il est temps d’y inclure les jardins, les toits et les terrains d’entreprises, en particulier pour la gestion de l’eau. SPATwater veut inclure ces milliers d’hectares de terrains privés dans le futur aménagement des Pays-Bas.

Savez-vous combien d’eau s’écoule dans votre gouttière lorsqu’il pleut ? Vous êtes probablement en train de regarder par la fenêtre pour voir à quoi ressemble votre gouttière. Voire même où elle se trouve. Ce n’est pas surprenant, car ces protections extérieures en plastique ou en métal font généralement leur travail sans problème. De même que l’ensemble du réseau hydrographique urbain, dont font partie les gouttières et descentes. Ce qui explique en partie le manque d’intérêt du propriétaire moyen pour le réseau hydrographique urbain. Il fonctionne, et c’est suffisant. Mais avec l’intensification des pluies, des périodes de sécheresse et des problèmes de qualité de l’eau, ce réseau est désormais sous pression.

Un aménagement résilient est un système capable d’encaisser les chocs. Pour cela, il faut des zones tampons.

Aménagement résilient

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient d’expliquer certains termes. Les couleurs – vert et bleu – parlent d’elles-mêmes et elles sont indissociables. Même si cet annuaire s’attarde principalement sur les nombreuses nuances de vert, celles-ci ne peuvent exister sans la bonne quantité d’eau (c’est-à-dire le bleu). La résilience nécessite un peu plus d’explications dans le contexte de la gestion de l’eau. Un aménagement résilient est un système capable d’encaisser les chocs. Pour cela, il faut des zones tampons. Un tampon permet d’absorber les chocs externes et de compenser certains changements (par exemple, des précipitations trop fortes ou trop faibles). La végétation forme souvent un tampon dans le réseau hydrographique urbain, car les précipitations peuvent s’infiltrer, s’évaporer et, surtout, elles ne sont pas immédiatement reversées dans la mer. C’est un premier exemple, il existe d’autres types de tampons.

LA GESTION DE L'EAU DANS LE PRIVÉ
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C’est du moins ce vers quoi il faut tendre. Le réseau hydrographique urbain est de plus en plus déséquilibré. Cela est dû à l’agencement (le réseau lui-même) et aux conditions climatiques de plus en plus extrêmes (averses plus intenses, sécheresses plus longues). Or l’intensification des précipitations et des sécheresses semblent être notre lot pour l’avenir. Vers quel(s) type(s) d’aménagement doit-on tendre ?

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Le parcours d’une goutte

Plus de la moitié de la surface des zones urbaines est constituée de terrains privés. Ces terrains sont généralement pavés et conçus pour évacuer l’eau le plus rapidement possible. Aux Pays-Bas, il y a des millions de jardins pavés, de toits bitumés et de terrains asphaltés. Une goutte de pluie suit la gravité et glisse le plus rapidement possible vers l’endroit le plus bas. Généralement, la goutte ne rencontre pas le moindre obstacle. Du ciel, elle passe au toit, à la gouttière et au tuyau de descente puis à l’égout. Lors d’une averse moyenne, elle a disparu en moins d’une minute.

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C’est sur les sites existants que l’excès ou le manque d’eau  menace de créer de plus en plus de nuisances.

Qu’est-ce qu’une nuisance ?

Supposons que nous recueillions un grand nombre de gouttes et que nous les déversions sur une ville au hasard. Les nuisances dues à l’excès d’eau se produisent généralement en aval. Cet excès d’eau doit être évacué le plus rapidement possible afin d’éviter des dégâts supplémentaires. À l’inverse, pendant une période de sécheresse prolongée, on rencontre des problèmes dus au manque d’eau et cette eau excédentaire serait bien nécessaire.

Lors de fortes averses, les égouts se retrouvent souvent surchargés et la plupart des réseaux hydrographiques urbains ont besoin de “déverser”. Cela signifie que les matières fécales, l’urine, les résidus de médicaments et autres déchets évacués par les toilettes, bien que dilués, se retrouvent dans les eaux de surface. Pour éviter cette nuisance, nous devons réserver de l’espace pour cette eau. Mais la ville est surpeuplée. Il n’y a pas de place pour réserver autant d’espace à l’eau dans le domaine public. Les fonctions existantes ne peuvent être combinées avec les exigences d’espace de toute cette eau que dans une certaine mesure. Pour les nouvelles constructions, c’est différent. Les guides et réglementations visant à donner de l’espace à l’eau dans les constructions neuves ou les rénovations se multiplient. C’est une bonne nouvelle, mais en ville, la plupart des bâtiments existent déjà. Et c’est précisément là que l’excès ou le manque d’eau menace de créer de plus en plus de nuisances.

Alors, que faire ?

Nous devrons intervenir dans les capillaires du réseau hydrographique urbain. Comparons cela aux embouteillages. Si un maximum de voitures restent à la maison, il y a moins d’embouteillages sur l’autoroute. De même, chaque goutte retenue dans les capillaires soulage le réseau hydrographique urbain en aval. Bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps. Si vous êtes le seul à laisser votre voiture à la maison, il y aura toujours des embouteillages. Il faudra donc des micro-mesures à grande échelle. Des micro-tampons, en d’autres termes.

Il faudra des micro-mesures à grande échelle. Des micro-tampons, en d’autres termes.

Il faudra aménager des tampons dans les capillaires du système pour absorber les chocs externes (grosses averses, sécheresse). Les options sont nombreuses. Elles vont du stockage de l’eau de pluie (du simple tonneau aux citernes en béton) à l’aménagement du sol et de plantations.

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La perspective est double : les gouvernements devraient recommander aux résidents et aux entreprises des zones tampons spécifiques qui contribuent à un cadre de vie résilient de la manière la plus attrayante possible sur le plan financier. Les architectes, les experts en espaces verts et les concepteurs ont également un rôle à jouer en intégrant l’espace privé dans une conception plus large.

Il n’y a pas assez d’espace dans le domaine public pour accueillir toute cette eau.

Bien sûr, il semble facile de se concentrer sur quelques mesures à grande échelle dans l’espace public pour déployer des zones tampons : quelques acteurs publics définissent la tâche, trouvent une solution via un appel d’offres, et le tour est joué. Mais comme nous l’avons dit, il n’y a pas assez d’espace dans le domaine public pour accueillir toute cette eau. En même temps, faire appliquer des mesures à des individus est assez compliqué. Plusieurs tentatives imposées par les autorités ont échoué lamentablement (par exemple, la taxe sur le pavage, la taxe carrelage). Soutien et participation sont les maîtres mots. Il existe déjà d’innombrables initiatives en ce sens.

Collaborer avec les habitants et les entreprises

Il est essentiel de ne pas considérer les habitants et les entreprises comme un facteur à contourner. Recommandez des zones tampons, adaptées à la situation spécifique, avec l’eau et le sol comme principes directeurs. Concrètement, les parcelles situées sur des sols argileux avec une nappe phréatique élevée ont besoin de zones tampons différentes de celles situées sur des sols sablonneux élevés. Facilitez leur acquisition. Par exemple, des primes de récupération sur les taxes communales pourraient encourager la construction de zones tampons. Grâce aux données spatiales et aux logiciels actuels, ces mesures sont faciles à organiser, tout comme l’éventuelle mise en application ou la responsabilité financière.

SPATwater a développé un modèle spatial qui facilite un tel système. Cela permet en outre de sensibiliser au réseau hydrographique urbain et au rôle qu’y joue l’individu. Le piège est de supposer qu’il suffit de comprendre les problèmes pour changer les comportements. En tant que propriétaire d’une zone tampon, vous devez partager les conséquences positives de cette zone tampon. L’installation de telles zones tampons ne doit pas être uniquement motivée par la responsabilité morale, bien qu’elle joue toujours un rôle.

La sensibilisation à l’eau et la réflexion sur les possibles zones tampons sont des éléments que le concepteur peut aider à développer.

Intervenir dans les capillaires du réseau hydrographique urbain peut avoir un effet majeur sur l’atténuation des pics de débit lors des fortes averses. Les gens doivent prendre conscience de la quantité d’eau énorme qui tombe sur leur terrain chaque année. La sensibilisation à l’eau et la réflexion sur les possibles zones tampons sont des éléments que le concepteur peut aider à développer. Que ce soit en surface sur une toiture végétalisée, dans une citerne, dans un étang, dans le sol ou sous le sol.

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Recommander spécifiquement les zones tampons et faciliter leur aménagement peut également façonner la conception. Les îlots verts et bleus disséminés dans l’espace public peuvent être reliés par des terrains privés dans les zones urbaines compactes. Il faut abolir le mur entre les terrains privés et publics dans la conception. Conseiller et inspirer spécifiquement les personnes nécessaires dans le domaine privé.

Il faut faire de la réflexion sur les zones tampons un principe directeur dans l’aménagement du territoire. Impliquer les citoyens et les entreprises permettra de sensibiliser à un cadre de vie respectueux de la nature et à la participation nécessaire pour y parvenir. Bien entendu, chacun doit pouvoir faire ses propres choix pour son cadre de vie privé. Mais les concepteurs, en particulier, peuvent inspirer les gens et leur donner le sentiment qu’ils sont un maillon de la trame verte et bleue du quartier. Cela permet, au-delà du soutien financier, de faire appel à leur responsabilité individuelle.

Inspirons et encourageons collectivement une intégration à grande échelle de mesures tampons. Il est temps de dresser des obstacles devant toutes ces gouttes. 

www.spatwater.nl


Texte : Mees van Milligen de Wit (cofondateur de SPATwater)
Photos : SPATwater (Jesse Schoenmakers) & Scherpgesteld (Thomas Klomp)