Gestion participative des espaces publics

Certaines autorités locales souhaitent inviter les citoyens à prendre davantage part à la gestion des espaces publics. Elles témoignent ainsi de leur intention d’à la fois réduire leurs dépenses, et de rencontrer les attentes des citoyens qui désirent plus intensément participer à la vie démocratique locale. Une dynamique dans l’air du temps, écrit Fabian Massart dans le Cahier de l’Espace Public.

 

Au cours des dernières années, les aspirations démocratiques se sont faites plus largement entendre dans le débat public. Un réinvestissement progressif des processus de décision par les citoyens a lieu au niveau local. Sa manifestation la plus explicite prend la forme de la participation citoyenne, notamment dans la conception et l’appropriation des espaces publics. Certaines autorités locales souhaiteraient étendre la démarche en allant jusqu’à déléguer aux citoyens la responsabilité de zones entières du domaine public. Par ce biais, il serait à la fois possible d’engager les habitants dans la vie locale et de soulager la commune de la charge que représente l’entretien des terrains.

Le programme zéro-phyto de Louvain-la-Neuve

Une initiative de ce type a vu le jour à Louvain-La-Neuve en 2013. L’idée initiale était de faire participer les habitants de la commune à un programme “zéro phyto”. Ce fut la porte d’entrée vers un processus plus large visant à intégrer les citoyens dans l’entretien des espaces publics. En effet, la commune a suggéré aux citoyens “d’adopter un espace vert public”. La possibilité leur est laissée de garnir et soigner des parcelles, en respectant bien sûr la contrainte qui est de ne pas utiliser de produits phytosanitaires. L’objectif de la Ville est de créer du lien social et de mobiliser des citoyens dans des projets rayonnants sur le domaine public. Par la même occasion, les travailleurs communaux sont libérés de l’entretien de ces parcelles qui, par leur configuration parfois éclatée, nécessitent un investissement conséquent en temps. À Louvain-La-Neuve, le nombre de personnes ayant adopté un espace vert s’élève à environ 80.

Un accord gagnant-gagnant ?

La principale critique à laquelle fait face ce modèle est la suivante : il s’agirait d’un moyen pour les autorités publiques de se soustraire à leurs fonctions de service public sous couvert du verni moderne de la participation citoyenne. Les conclusions de l’étude Participatory governance of urban green spaces : Trends and practices in the EU publiée en 2016 valide cette hypothèse. Elle voit dans cette tendance une réponse à la crise financière de 2009 et un moyen subtil de réduire les dépenses publiques. Le principe de gestion temporaire participative qu’a mis en place la mairie de Barcelone en 2012 en est un parfait exemple. Incapable de lever les fonds suffisants pour concrétiser les projets inscrits dans le plan local d’urbanisme, la Ville a décidé de confier momentanément ses friches urbaines à des collectifs citoyens. L’intention était qu’ils y développent des activités d’intérêt public, dans l’attente d’une meilleure conjoncture économique.

Quoi qu’il en soit, certaines initiatives sont remarquables dans la mesure où elles ont laissé aux acteurs du territoire un espace d’expression précieux. On sort alors du cadre des parcelles excédentaires délibérément abandonnées par le pouvoir public. Les terres qui sont offertes ici sont valorisables et valorisées, avec conviction, par le citoyen. L’étude User participation in urban green spaces – For the people or the parks?, qui fait le bilan de la littérature sur le sujet, affirme d’ailleurs que ces pratiques participatives bénéficient autant aux citoyens qu’aux espaces publics, dont la qualité se voit globalement améliorée.

Des initiatives réussies !

Parmi les belles réussites, on peut citer le projet Tempelhof à Berlin, un immense parc né de l’opposition à un projet immobilier et commercial sur le site d’un ancien aéroport. Les citoyens sont parvenus à donner à cet espace une réelle identité. Il s’y déroule des projets participatifs artistiques, écologiques et sociaux ainsi que des activités de niche tels que le cerf-volant ou le skateboard à grande vitesse. Le projet Selbsternte à Vienne est, quant à lui, un lieu d’activités productives. Résultante d’une collaboration entre des associations environnementalistes et les communautés locales, des parcelles sont gérées collectivement et louées à des citoyens. Cela leurs permet d’y développer l’activité qu’ils souhaitent, l’agriculture paysanne étant la plus répandue.

Même si la liberté laissée aux citoyens par les autorités découle avant tout d’une volonté de désengagement du secteur public, elle offre l’opportunité de créer des espaces où peuvent se développer des projets collaboratifs et démocratiques innovants. Les réussites les plus accomplies reposent d’ailleurs pour la plupart sur des convictions fortes qui sont gage d’une durabilité pouvant faire défaut aux projets “d’entretien” trop platoniques.

Article paru dans le Cahier de l’Espace Public n°35 (septembre 2020)

Source: Maison de l’urbanisme