Friches industrielles urbaines : une deuxième vie grâce au végétal

La volonté politique d’accorder une plus grande place au végétal en milieu urbain se traduit, entre autres, par des plans de réaménagement locaux et nationaux et par la réhabilitation en parcs urbains d’espaces délaissés au cœur des villes. Les friches industrielles, fréquemment polluées et en bordure de cours d’eau, en font partie. Zoom sur les défis que génère cette pratique à travers trois exemples par CitéVerte.

La friche industrielle a souvent mauvaise presse. Pourtant sa reconversion par le végétal constitue une opportunité d’accélération d’une politique urbaine en faveur du développement durable.

Le Parc Zénith à Lyon

Situé sur l’ancien site RVI-Feuillat, dont l’activité automobile a pris fin en 1998, le Parc Zénith a été réalisé par l’agence Laverne Paysagistes selon un programme fixé par la Ville et inauguré en 2018. Après une première phase de dépollution des sols, le projet urbain et naturel a été engagé autour de la célébration de la mémoire industrielle du lieu et de la création d’un campus naturel réunissant une bibliothèque et plusieurs écoles, pour certaines accueillies dans les anciens ateliers reconvertis à cet effet, comme l’école de design Émile Cohl ou la Fédération des Compagnons du Tour de France.

Mais ce parc répondait surtout à une demande pressante de nature faisant défaut dans le quartier. Il fait depuis l’objet d’un suivi, afin d’évaluer précisément l’impact de cette nouvelle nature sur la santé des habitants.

Ainsi le parc s’inscrit volontairement par sa composition, ses continuités projetées dans le quartier, et ses modes de gestion naturelle comme le cœur vivant d’un nouvel écosystème urbain.
« La question de l’assemblage est fondamentale : au-delà de ses qualités paysagères, le sens du parc réside surtout sur son appartenance et sa contribution à cet écosystème urbain d’ensemble » affirme Thierry Laverne, paysagiste, urbaniste et directeur de l’agence du même nom.
Ceci supposait aussi par exemple l’adaptation des plantations à leur environnement urbain. Des jardins cultivés ont ainsi été surélevés pour les isoler des anciens sols pollués et une lisière arborée a été plantée le long de la façade vitrée de la bibliothèque, afin de tamiser la lumière en été et la laisser pénétrer en hiver lorsque les branches sont dénudées…

La presqu’Île Rollet à Rouen

Reconnecter le lieu avec le fleuve tout en respectant son identité, c’est le leitmotiv qui a guidé l’Atelier Jaqueline Osty & Associés dans la réhabilitation de cette ancienne zone industrialo-portuaire surnommée « le village noir » ou « île au charbon » avec quatre objectifs principaux : transformer des terres polluées en espace de développement de la biodiversité, renaturer les berges, développer la biodiversité ordinaire et éduquer à l’environnement. « À l’interface entre la Seine, le centre-ville et le port, c’est un nouveau grand paysage composé de la Seine, du port, des bassins, des coteaux qui s’offre aux habitants sur des espaces, il y a encore quelques années, complètement fermés, abandonnés et délaissés », explique Loïc Bonnin, directeur de projet Atelier Jaqueline Osty & Associés.

En évolution depuis 2013, la dernière phase de travaux a été achevée à l’été 2019 avec l’ouverture d’un cheminement le long des berges en continuité avec les chemins existants, la finalisation de la butte paysagère et la plantation de 47 000 petits arbustes (sur 160 000 arbres en tout), et la restauration des berges.

 

Les prairies Saint-Martin à Rennes

Situé entre le canal d’Ille-et-Rance et un bras naturel de l’Ille, le secteur des prairies Saint-Martin a été inauguré pour sa première tranche de travaux au printemps 2019. Les opérations se poursuivront jusqu’en 2022 avec l’aménagement des berges du canal et la mise en place d’installations hydrauliques. Son ambition ? Restituer aux habitants ce territoire utilisé anciennement par des tanneries, puis transformé en jardins ouvriers, et contraint par une triple dimension environnementale (crues), sociale et technique. « L’héritage de ce patrimoine arboré sert de trame aux dispositifs spatiaux. Nous n’avons pas recréé de formes, de perspectives ou de diagonales. Il s’agissait plutôt de clarifier les structures originelles du paysage », explique Franck Poirier, paysagiste de l’agence Base qui pilote le projet. Le parc naturel se développe aujourd’hui sur une superficie de 30 hectares comprenant une ample réserve humide naturelle, plus sauvage et riche en biodiversité, et une zone de loisirs accessible à tous.

Les principaux enjeux

Incontestablement, le premier enjeu de la réhabilitation de tels espaces est le binôme pollution/dépollution, bien que tous les sites industriels ne soient pas concernés. Il est crucial que les collectivités aient une bonne connaissance de la nature des sols grâce à des investigations préliminaires et soient à l’écoute des maîtres d’œuvre lorsqu’ils requièrent une étude.
Il faut ensuite que les entreprises du paysage et de dépollution adaptent les conditions finales à la topographie du projet en termes de composition et d’usages. À Lyon, le sol a été nettoyé au préalable mais certains endroits ayant été confinés en surface, la culture de consommables n’était pas envisageable. À Rennes et à Rouen, c’est la solution de l’enfouissement des polluants sous une butte végétale ou boisée qui a été retenue. « Celle-ci permet de gérer écologiquement le problème des terres polluées ; quelques poches résiduelles, témoins des activités d’extraction du charbon, se devaient d’être confinées par une couche de terre tout en développant un milieu forestier riche, propice au développement de la faune de la Vallée de la Seine », illustre Loïc Bonnin1.
Il revient, quoi qu’il en soit, aux maîtres d’œuvre de travailler en harmonie pour optimiser les dépenses des différents acteurs.

D’autres problématiques liées à la continuité entre le nouvel espace créé et la ville sont à prendre en compte lors de son implantation, notamment en termes de liaisons douces entre les quartiers (exemple des franchissements de voie d’eau).
Mais c’est peut-être plus globalement la question de la gestion de l’eau qui domine les enjeux environnementaux, en premier lieu du point de vue de la récupération des eaux pluviales comme à Lyon. Là, grâce à une collaboration transverse avec les architectes des programmes riverains, le plan d’eau absorbe tous les écoulements du parc et des équipements avoisinants. « Nous portons une grande attention à cette responsabilité de nos aménagements et parcs afin qu’ils contribuent concrètement à améliorer l’écosystème urbain sur les questions de biodiversité et de valeurs d’usage, qu’il s’agisse de l’ensoleillement, de l’ombre ou du rafraîchissement par la gestion et la valorisation des eaux urbaines », ajoute Thierry Laverne.
En second lieu, en matière de restitution des zones d’expansion des crues comme à Rennes et Rouen où les parcs concourent à réduire les risques d’inondations de la ville. « Diminuer les surfaces imperméabilisées au profit d’espaces verts, c’est aussi réduire les apports d’eau vers la Seine qui constitue l’exutoire naturel des eaux pluviales ruisselées. C’est également permettre des zones d’expansion des crues, d’autant plus que la Seine est soumise aux marées à Rouen », précise Loïc Bonnin.
Enfin, ces nouveaux parcs urbains remplissent également une fonction d’îlot de fraîcheur, avec une moyenne de moins 2 degrés constatés par rapport au reste de la ville.

La question de la transformation des sites industriels urbains marqués par l’histoire est concomitante à la volonté de renouveler leur image et limiter l’étalement des villes. La demande sociale motive les collectivités à investir en ce sens au profit de la naturalisation des sites occupés plutôt que l’inverse. « Tous les projets doivent s’envisager désormais dans l’idée du recyclage, du démantèlement et de la désartificialisation, sous peine de s’étendre au détriment de la campagne et aux dépens de la nature. Saisissons-nous des sites artificialisés ou pollués afin de la préserver durablement ! », conclut Thierry Laverne.

Source: citeverte.com