France / Bienvenue dans le jardin 2.0

La création de nouveaux jardins en France a reculé de 3 %. En revanche, les pratiques deviennent high tech. En 2016, les municipalités soucieuses de la nature (et de l’humain) en ville ont tendance à allier végétal et digital. Bienvenue dans le jardin 2.0.

Chaque année, l’UNEP (Les Entreprises du Paysage) et Hortis (qui rassemble les responsables d’espaces nature en ville) se penchent sur l’évolution du végétal en milieu urbain. Gestion des espaces verts, aménagements paysagers, innovations végétales emblématiques sont autant d’éléments scrutés pour voir comment les villes se ré-approprient la nature.
Jardins 2.0

En 2016, l’enquête menée met en avant les « jardins 2.0 », mêlant objets connectés et usages partagés. Les robots de tonte de pelouse se répandent chez les particuliers ; les débroussailleuses télécommandées se fraient un chemin chez les entreprises du paysage (les jardiniers) ; les jardins publics s’ornent de bornes interactives, décorent leurs plantes de codes à flasher ; et les parcs se mettent au « monitoring végétal », avec des systèmes de gestion automatique à distance de la croissance des plantes (diagnostic hydrique, arrosage etc).

 

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« Le jardin 2.0 est nouveau, nous n’aurions pas pu faire cette enquête il y a deux ans et c’était même encore embryonnaire il y a un an », commente Catherine Muller, présidente de l’Unep.

L’enjeu actuel, pour les villes les plus vertes de France, est d’innover pour développer et optimiser leurs espaces verts et répondre aux nouveaux usages urbains. « La dimension « connectée » des jardins, devient progressivement incontournable : les villes se servent de la technologie pour gérer et promouvoir leur patrimoine végétal et améliorer leur attractivité », souligne ainsi Jean-Pierre Gueneau, président d’Hortis.

L’objectif, avec les jardins 2.0, la multiplication des bornes interactives et des animations pédagogiques, est d’associer plus fortement les citoyens aux jardins de leur quartier, de créer du lien et de l’appartenance. Catherine Muller, présidente de l’Unep, y voit même une façon de « faire revivre les jardins botaniques traditionnels, en les modernisant et en tirant partie de leur double fonction : éducation et partage ».
Une éclosion de jardins partagés
Ce partage se retrouve d’ailleurs dans la multitude d’initiatives où les habitants sont amenés à participer collectivement à la création ou à l’entretien d’un espace végétal. Jardins familiaux, potagers de quartier, jardins pédagogiques pour les écoles ou les familles, ou anciens jardins ouvriers à usage communautaire sont autant d’illustration de ce regain d’intérêt pour les jardin partagés.

En la matière, c’est à Nancy que le nombre de jardins partagés est le plus étendu (avec 68 initiatives recensées), puis Marseille (57), Mérignac (38) puis Lyon (35) et Rennes (30).

 

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En 2016, quatre villes sur cinq parmi celles référencées dans le panel de l’Observatoire, verront éclore de nouveaux projets de jardins partagés.

 

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“A Reims chaque année, la ville reçoit plus de 100 demandes. La collectivité aménage les espaces avant de les confier à des associations d’habitants. Dans certaines villes comme à Grenoble ou à Nancy, la création de ces jardins est prévue dans les plans de mandature ou d’aménagements urbains. C’est tout à fait inédit” remarque l’Observatoire des Villes Vertes.

Il s’agit aussi d’une conséquence de notre engouement pour le vert en ville: pour 9 français sur 10, le vert est un élément essentiel de la vie quotidienne et 7 sur 10 choisissent leur lieu de vie en fonction de la présence d’espaces verts à proximité (enquête Unep-Ipsos 2011). Et ce d’autant plus que les Français rêvent de « jardins nourriciers » afin de satisfaire leur « désir d’authenticité, d’un plus grand respect de la nature et des saisons, et les jardins partagés répondent parfaitement à ces attentes » analyse l’Observatoire.

Le plus souvent, ce sont les associations ou collectifs d’habitants qui sont à l’initiative des projets de jardins partagés, mais leurs demandes trouvent aujourd’hui un écho de plus en plus favorable auprès des collectivités locales, voire de décideurs privés tels que les entreprises ou les bailleurs sociaux, qui n’hésitent plus à intégrer la mise en place de jardins partagés dans leurs projets d’aménagement.

 

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Green geeks ou vegetal hackers

Chose intéressante: les villes les plus en pointe dans le développement de jardins partagés sont aussi particulièrement actives en matière de services connectés pour les usagers. Certaines ont intégré depuis longtemps l’usage des applications dans l’approche du jardin (monitoring végétal, applis web): parmi ces cités qualifiées de “Green geeks” par l’Observatoire, on trouve notamment Caen (monitoring végétal, QR codes pour les règlements des parcs et jardins), Reims (projet de réaménagement des promenades, réalité virtuelle en projet de test…), Strasbourg (monitoring végétal) ou bien encore Mérignac (les jardins dans les applis de la ville, le wifi public…)

D’autres, qualifiées de “Vegetal Hackers”, sont affûtées dans l’usage des innovations technologiques dernier cri : Montpellier et ses ateliers Mains Vertes, ses stations météo connectées ou ses visites virtuelles; Nancy et son jardin éphémère sur le thème des « jardins connectés », Marseille avec des applications smartphone pour repérer le jardin à proximité, QR codes au jardin botanique, visites virtuelles); Lyon avec l’application Grand Lyon Nature, QR Codes et recensement des arbres grâce aux tablettes; ou bien encore Tourvoing et sa gestion des serres pédagogiques connectées ou Angers avec son concours « jardins potagers connectés » sur toutes les formes de connexion et de partage au jardin (lien social, technologies, et végétales)…

 

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Pour l’Observatoire des villes vertes, ces usages du digital au service du végétal prouvent que le secteur n’échappe pas à la tendance des objets connectés. Quitte parfois à substituer au vivant comme à Nancy, ou les « batrachophonies » invitent les habitants à se relaxer dans un jardin éphémère où ils sont munis d’écouteurs reproduisant une immersion plus vraie que nature…

 

2015 n’a pas été une année verte

L’écologie se fait high tech mais 2015 n’a pas été une année verte. Selon l’Unep, la création de nouveaux jardins a baissé de 3% l’an dernier et le chiffre d’affaires du secteur s’est contracté de 2%, à 5,34 milliards d’euros. Le segment des jardins des particuliers (42% de l’activité) est le seul à résister (– 0,5% sur l’année) grâce à un rebond en fin d’année dû à une météo clémente. Pour le reste, la commande publique a décroché de 4% et la grande clientèle privée (entreprises, syndics, bailleurs sociaux) de 2%.

En fin d’année dernière, les carnets de commandes se sont légèrement regarnis et 53% des 28.600 entreprises du secteur ont embauché, mais 2016 se révèle très incertain. Seule lueur d’espoir, le rebond actuel des mises en chantier de logements devrait se traduire par de l’activité pour les paysagistes mais pas avant un an au plus tôt. Dans un secteur où les entreprises sont particulièrement petites (en moyenne 4 salariés mais 63 % n’en ont aucun), il va falloir tenir.

www.observatoirevillesvertes.fr