Enquête / Les « cours oasis » : revégétaliser l’école en ville

Initialement lancé à la suite de l’adoption de la Stratégie de résilience de la Ville de Paris et du Plan climat (2017), le programme Oasis vise à doter les cours d’école, lieux généralement très minéraux, de nature. L’objectif ? Créer des espaces rafraîchis et lutter contre les îlots de chaleur.

C’est à Paris que se sont déroulées les premières expérimentations avant de rayonner dans toute la France. Les cours d’écoles publiques parisiennes représentent une superficie de 73 hectares et leur transformation a été identifiée comme un moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Fin 2020, 46 sites avaient été transformés : 3 en 2018, 28 en 2019 et 15 en 2020, dont 9 via le projet européen « Actions innovatrices urbaines » pour cette dernière année. Retour d’expérience sur cette pratique innovante et efficace.

Un projet co-construit

Le programme Oasis est une initiative collective rassemblant de nombreuses parties prenantes. Il ambitionne d’adapter le cadre de vie scolaire aux besoins de ses principaux usagers : élèves et enseignants. La Ville de Paris s’est adjoint pour ce faire les services des architectes et paysagistes du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Paris (CAUE 75), qui ont joué un rôle prépondérant en proposant une démarche en trois volets :

La concertation des enfants, premiers concernés par le réaménagement de l’espace récréatif, via des ateliers au cours desquels ils ont pu proposer leurs idées, réaliser des maquettes, etc.
La médiation avec la communauté pédagogique.
L’accompagnement des services techniques en charge de la mise en œuvre du projet (Section locale d’architecture et Circonscription des Affaires scolaires et de la petite enfance).
Une déminéralisation des cours basée sur un trio socle
La conception d’un écosystème miniature, induit par la réimplantation du végétal, participe de la démarche de diminution de l’effet d’îlot de chaleur en ville et s’organise autour de trois éléments clés : le végétal, l’eau et le sol.
La végétalisation s’appuie d’abord sur la superficie disponible, souvent enclavée et réduite. D’autres données, comme l’orientation de la cour, les zones de terre et les supports possibles sont aussi à prendre en compte. Ainsi, les espaces verts représentent à peu près 30 % de la nouvelle cour, ce qui, multiplié par le nombre d’écoles, apporte une réelle plus-value écologique. La pluralité des espèces implantées est pensée comme une reconstitution des strates végétales : arbres, arbustes, fleurs, etc. Celles-ci sont réparties sur différentes zones de la cour mais également sur les toitures ou les murs et peuvent susciter des interactions : jardins pédagogiques, vergers, cabanes végétales… (tunnel végétal et jardinières gérées par les classes au sein de l’école maternelle Émeriau du 15ème arrondissement). Les essences sont choisies pour leur résistance au changement climatique, selon le guide des espèces végétales, et les espèces indigènes sont également favorisées.
Le sol fait l’objet d’une attention particulière en termes de moindre rétention de chaleur et de gestion des eaux pluviales – ces dernières peuvent être absorbées à 60 % par les végétaux limitrophes et restituées sous forme d’évapotranspiration : il est donc important de veiller à conduire l’eau de pluie vers ces espaces (pentes naturelles, rigoles, drains…).

Un nouvel écosystème pédagogique

L’environnement proposé favorise la sensibilisation des enfants à la nature et à l’écologie, à travers des ateliers de jardinage par exemple. La diversification des espaces et de leurs affectations permet également à chacun de pouvoir trouver un lieu adapté à son tempérament et à son humeur du moment : zones actives, d’exploration, de détente, etc. Parallèlement, l’implantation de mobilier répondant aux besoins exprimés par les usagers (gradins, via ferrata, jeux d’escalade, cabanes, parcours sensoriels) contribue également à une meilleure appropriation des espaces. De nouvelles pratiques comme la classe en extérieur ou certaines activités sportives peuvent aussi s’y insérer au gré des journées.
L’entretien des cours oasis participe, une nouvelle fois, de la dynamique de co-construction entre les professeurs et les enfants qui ont la possibilité d’intervenir directement : ramassage des feuilles, arrosage, etc. Durant les vacances, lorsque l’école est aussi centre de loisirs, le processus reste le même avec l’implication des enfants ; dans le cas contraire, d’autres solutions sont imaginées (prestataires, partenariat avec un jardin partagé à proximité, appui sur des « brigades d’arrosage » avec les enfants des centres de loisirs avoisinants).
Les nombreux avantages pédagogiques de la cour oasis sont à relever : réduction du niveau sonore, apaisement des enfants et impression de coupure récréative plus marquée ; intérêt pour la nature, développement de la motricité dans des espaces moins stables qu’une surface goudronnée… En retour, cela implique de nouvelles pratiques de surveillance par exemple. Les changements sont parfois ralentis par la crainte des parents ou des équipes éducatives pour la sécurité des enfants – bien qu’une surface de terre ou de copeaux soit moins dangereuse en cas de chute qu’un sol bétonné – ou le salissement. Mais « Une fois que les aménagements sont en place, les réticences sont levées et personne ne souhaite revenir à la cour d’école classique ! De manière générale, il y a une très forte demande de la part des adultes et des enfants », conclut Raphaëlle Thiollier.

Un engouement qui se propage

Suivant le mouvement insufflé par quelques réalisations remarquables, les bonnes pratiques se propagent à travers le pays et l’on recense actuellement en France plus de 80 projets de végétalisation des cours d’école. La Ville de Paris échange régulièrement avec d’autres communes pour apporter son concours à la conception de projets dont elle a acquis l’expérience ou pour s’inspirer des réalisations déjà existantes. C’est notamment le cas avec la ville de Strasbourg qui fut une des premières en France (2011) à s’inspirer des écoles en extérieur scandinaves et à revégétaliser la cour de l’école maternelle Jacqueline. Dans le cadre d’une réhabilitation de quartier, elle a pu débitumer une partie de sa cour pour la pourvoir d’aménagements comme une mare sèche, une rivière pédagogique, des jeux en bois ou en matériaux naturels, etc.
À Lille, la municipalité a décidé, dans une démarche analogue au programme Oasis, de développer le projet « Verdissons nos murs » afin de rendre encore plus prégnante la présence du végétal en ville et dans les cours d’école, tout en luttant contre l’effet d’îlot de chaleur. Sur les 82 établissements scolaires de la ville, 76 suivent ou ont achevé un processus visant à végétaliser un tiers de leur surface. C’est notamment le cas de l’école Bouchor où une place plus importante a été accordée à l’eau avec un système de récupération des eaux de pluie pour l’arrosage et le rafraîchissement urbain.

De nombreux autres projets similaires sont observables en France et dans le monde, manifestant un nouvel état d’esprit des collectivités qui œuvrent pour le mieux vivre en ville, l’écologie et une plus grande place du végétal en milieu urbain. Ces dispositifs simples permettent à la fois un apprentissage pédagogique pour les enfants et concourent à une nouvelle attractivité et santé des villes et des écoles.

Source : citeverte.com