De l’utilité des toitures végétalisées

La toiture de nos bâtiments retrouve ses galons au sein de l’architecture contemporaine. Elle n’est plus uniquement cantonnée dans sa mission originelle de couverture. Envisagée comme un sol à part entière, on lui autorise désormais de nombreuses fonctions. Le développement des politiques de nature en ville s’inscrit dans cette logique et marque un regain d’intérêt supplémentaire pour la végétalisation des toitures. Pour aller plus loin dans la connaissance de l’intérêt de ces toitures végétalisées pour la biodiversité et leur capacité à délivrer un cortège de services écosystémiques, l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF) mène une campagne d’inventaires taxonomiques poussés et de mesures de certains services écosystémiques associés (sol et hydrologie) sur un échantillon de toitures végétalisées situées en zone urbaine dense d’Île de France.

L’étude GROOVES (pour Green ROOfs Verified Ecosystem Services) concerne 36 toitures végétalisées de typologies différentes (extensives, semi-intensives et intensives) distribuées dans le périmètre de Paris et la petite couronne. Chacune des 36 toitures a fait l’objet d’une évaluation de plusieurs paramètres, comme la flore, la faune (dont pollinisateurs), les mycorhizes (champignons), les bactéries du sol et d’autres fonctions écologiques (rafraîchissement, rétention en eau, etc.). Après 3 années d’étude, les premiers résultats viennent confirmer le rôle joué par les toitures végétalisées sur l’accueil de la biodiversité et la capacité à remplir certaines fonctions écologiques. Ils montrent aussi que ces bénéfices varient fortement entre les systèmes de végétalisation et relativisent l’importance de certains bénéfices souvent avancés dans les discours. Les résultats de l’étude ouvrent de nouvelles perspectives en termes de recherche et permettent de dégager quelques grandes tendances et préconisations pour les concepteurs et les gestionnaires de futures toitures végétalisées.  

Faune & Flore

Au total, ce ne sont pas moins de 400 espèces de plantes qui ont été recensées au cours de l’étude, dont un nombre important de plants spontanés. C’est à dire transportés par le vent ou la faune. Cette distinction entre plantes spontanées et plantées initialement aide à comprendre le fonctionnement de l’écologie des toitures et donne des indications sur leur capacité d’accueil pour la biodiversité urbaine. Du côté de la Faune, les chercheurs ont dénombré 611 espèces d’invertébrés, confirmant ainsi le rôle des toits végétalisés dans l’accueil d’une biodiversité variée en milieu urbain.

Gérer les eaux pluviales et rafraichir ?

L’analyse des substrats en laboratoire a également permis d’apporter un éclairage sur le potentiel de gestion des eaux pluviales de ces toitures. L’épaisseur et le type du substrat sont ici les deux paramètres essentiels. La synthèse des résultats amène à penser que pour une forte capacité de rétention d’eau, la profondeur minimale du substrat doit se situer autour de 30 cm. Et entre 10 et 30 cm pour une capacité de rétention moyenne.

Enfin, sur les différentes toitures étudiées, seulement 6 présenteraient des valeurs d’évapotranspiration intéressantes. Ce qui leur permettrait d’être en capacité de rafraîchir la surface de toiture. À l’échelle de la ville, la contribution au rafraîchissement urbain par la végétation aérienne semble donc minime par rapport à celle d’autres espaces de nature au sol (alignements d’arbres, espaces boisés, etc.).

Pas de recette miracle

Si la toiture végétalisée n’apparaît pas comme un remède miracle à tous les maux de la ville, cette étude montre qu’il est possible de concevoir ces dispositifs comme des espaces complémentaires aux autres espaces verts urbains. Les toitures végétalisées peuvent ainsi servir d’habitats de substitution ou de refuges urbains. Bien plus que la simple « esthétique », ces espaces atypiques peuvent offrir de multiples avantages écologiques.

Il n’y a donc pas de « recette idéale », mais on constate toutefois que la typologie du substrat et son épaisseur sont deux paramètres à ne pas négliger lors de la conception. Surtout si l’on porte l’objectif d’optimiser les bénéfices d’une toiture végétalisée. Par ailleurs, comme le concluent très justement les auteurs, l’effet de mode entourant la végétalisation du bâti ne doit pas servir de caution verte à des projets d’aménagement contribuant à l’artificialisation des sols.

Retrouvez l’étude complète GROOVES