Le paysagiste Pascal Cribier est décédé

Le paysagiste français de renommée mondiale Pascal Cribier est mort début novembre, à l’âge de 62 ans. Décrit comme un professionnel au parcours et aux pratiques atypiques, il disait que son métier, « jardiner », c’était « abîmer la nature ».

Miné depuis des années par une «maladie non mortelle mais incurable», selon l’un de ses proches, il s’est donné la mort dans son appartement qui surplombe le jardin du Luxembourg à Paris.

 

Hors des normes

De Pascal Cribier, il a été dit qu’il était un paysagiste « hors des normes », que son parcours n’était pas classique mais aussi qu’il était assurément le « jardinier le plus excitant » de son époque.

Né en 1953 à Louviers (Eure), Pascal Cribier quitte l’école à 14  ans pour travailler dans un studio de photos publicitaires. Il gagne sa vie comme mannequin pour les magazines. Il entre aux Beaux-Arts en 1972, obtient en 1978 son diplôme d’architecture. C’est au contact de botanistes et de pépiniéristes qu’il découvre par la suite l’univers du jardin et du végétal.

«Un beau jardin est un lieu atemporel, le moins abîmé possible. La vie et les saisons doivent assurer la continuité du lieu, les orages, les coups de soleil et la pluie doivent faire naître l’émotion», confiait-il en 2009 dans une interview au Figaro.

Très attaché au ressenti des lieux et des commanditaires lors de la conception d’un jardin, il s’élève contre la virtualisation des jardins conçus sur ordinateur par la nouvelle génération de paysagistes.

De son métier, il disait, que c’était faire œuvre d’artifice. “Pour réaliser un jardin, les paysagistes cherchent à dompter la nature ; ils s’efforcent de la contraindre et de la maîtriser ».

«Il faut faire la part entre la nature, le paysage et le jardin. La nature, ce sont les endroits où tout se passe seul. Le paysage c’est le résultat de l’activité économique des hommes. Un jardin ne peut pas être écologique puisqu’on bousille la nature».

Il détestait rien tant que les alignements, les massifs taillés au cordeau, les jardins «pastiches» et sans âme conçus sur écran et livrés clefs en main. L’art du jardinier qui, selon lui n’en est pas un, «consiste à essayer de tirer au mieux des contraintes, sans oublier qu’il viole inévitablement la nature».

Un jardin de Cribier ne ressemble pas à un jardin, écrit Le Monde “Pas une collection de plantes rares enfermées au zoo, pas d’alignements au cordeau ni de frontières visibles. On se demande parfois, en marchant dans ses créations, où il est intervenu. Mais il maîtrise chaque mètre carré, associe des sentiments, des lumières, des climats, marie des plantes aux rythmes différents, et attend de voir comment un orage «  va modifier tout ça  »”.

 

Tuileries

Pascal Cribier a dessiné près de 180 jardins en trente ans. Publics et privés, en France et à l’étranger.

Il se fait un nom avec le concours de l’aménagement des Tuileries. Sur ce projet, il s’associe avec le paysagiste Louis Benech et l’historienne des jardins Monique Mosser.

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Il a ensuite travaillé avec Patrick Blanc dans le jardin expérimental Vivendi à Méry-sur-Oise et réhabilité le motu de Paul-Émile Victor à l’atol de Bora-Bora. Il a conçu un jardin à Aramon (Gard) pour le collectionneur Jacques Hollander, un jardin de ville intimiste pour Pierre Bergé à Paris, un autre encore, de 200 hectares, à Woolton House, dans le Hampshire, en Angleterre, pour un couple de Britanniques, et un ranch de 36  000 hectares dans le Montana, avec des buttes pour s’abriter du vent.

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Il a réalisé le patio de l’opéra Bastille, à Paris, le couloir de la chimie dans le Rhône, et le somptueux jardin du Donjon de Vez (avec le paysagiste Patrick Écoutin). Dernièrement, il travaillait sur quatre grands projets: pour EDF sur le plateau de Saclay (Essonne), la Société Générale à Fontenay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et le lycée hôtelier de Lille.

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Varengeville
Pour beaucoup, sa création la plus marquante était son propre jardin, à Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), un paysage qu’il a façonné pendant des années, à la main, dans le bois de Morville, une propriété qu’il avait achetée avec deux amis, Robert Morel, qui y est né, Eric Choquet. Tout près des célèbres Bois des Moustiers et du jardin de la princesse Sturdza à Vastérival. Avec ses voisins, il organisait les rencontres botaniques de Varengeville.

Varengeville était son terrain d’expérimentation,  un jardin tout en courbes et en harmonies. Sur huit hectares, l’homme élabore de ses mains, déracine des arbres, s’applique à la modélisation des espaces tout en s’intéressant à la géologie si particulière de ce village de Normandie, niché sur une falaise calcaire en érosion.

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L’urne funéraire du jardinier paysagiste sera déposée au cimetière de Varengeville, surplombant ainsi la mer, et les paysages qui l’ont inspiré.

Pour les personnes désirant découvrir son travail à travers le monde, l’ouvrage Itinéraires d’un jardinier, édité aux Editions Xavier Barral (2009), permet de retrouver l’étendue de son talent, à travers 1 300 photographies réalisées par le paysagiste.

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VIDEO : La disparition de Pascal Cribier

 
VIDEO : visite, en 2012, du jardin de Pascal Cribier
(Reportage France 3 Haute-Normandie de Frédéric Nicolas et Stéphane Gérain)

 

VIDEO: Silence ça pousse