Bruxelles / L’efflorescence du Botanique Center

Le jeune architecte Belge Vincent Callebaut propose de métamorphiser le Botanic Center à Bruxelles. Le concept propose l’efflorescence du bâtiment existant au sens botanique du terme : « Commencement de la floraison ».

Vincent Callebaut est un jeune architecte aussi ambitieux que visionnaire. Il pratique “l’archibiotique”, une discipline qui veut de façon transdisciplinaire “réinventer les modes de vie de demain”. Inspirés par les formes de la nature, ses bâtiments spectaculaires et organiques semblent tout droit sortis d’une BD de SF. De New York à Hong Kong en passant par Bruxelles et Paris, Vincent Callebaut propose avec conviction et fulgurance des projets prospectifs et écologiques en insufflant localement des dialogues et des rencontres qui tentent sans cesse d’élever nos questionnements sur la société dans laquelle nous vivons à un carrefour majeur de crise économique et de crise écologique.

 

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Il est connu pour des projets comme Dragonfly, un projet de fermes verticales à Manhattan, le Solar Drop, un complexe aqautique écoligique à Abou Dhabi, ou Lilipad, une ville écologique flottante dans les océans du monde. La tour Agora Garden à Taïwan, un tour d’habitation de 25 étages torsadée, avec 10.000 m2 de balcons végétalisés “pour réduire le recours à la climatisation”, une pergola photovoltaïque de 1.500 m2, ou encore des “lagunes de phyto-épuration pour recycler les eaux grises”. Ou Asian Cairns, à Shenzhen en Chine, composé de six tours “maraîchères” constituées de “galets” superposés qui “sont chacun un bâtiment à part entière”. “Un galet centre commercial et cinéma, un galet crèche, un galet logements, bureaux, musée…”.  Et bien sûr, des serres agricoles.

“Les choix architecturaux, techniques, fonctionnels et paysagers sont le reflet de l’intégration de la démarche environnementale dans notre projet,” explique Callebaut. “Ces choix audacieux nous ont permis de concevoir une architecture « out of the box » marquant de son empreinte écologique le territoire bruxellois et projetant le Botanic Center résolument dans le 21ème siècle. Métamorphoser, c’est transformer la chenille en papillon.”
Métamorphoser
Métamorphoser, ce n’est pas faire table rase du passé mais bien au contraire intégrer le meilleur de chaque époque à notre avenir.
Métamorphoser c’est prendre parti pour une histoire à écrire plutôt qu’une autre.
Métamorphoser c’est faire le choix de juger quels éléments du passé composeront le socle d’un futur à imaginer.
Prendre position pour une histoire métissée, avoir de l’audace non pas pour soi mais pour les autres, c’est le rôle de l’architecte bien au-delà de la simple conservation ou restauration.
La volonté est d’agir comme des prospectivistes pour propulser le « Botanic Center » vers le 21ème siècle en termes d’usages, d’avancées technologiques, et de principes constructifs innovants et durables. En effet, l’architecture est capable aujourd’hui de mettre en œuvre le concept de « Solidarité Energétique » entre un patrimoine – moderne dans ce cas – allié à un projet contemporain. Le second fournissant l’énergie nécessaire au premier par l’intégration des énergies renouvelables pour atteindre un bilan sobre en carbone sur le plan environnemental comme le recommande la COP 21.

 

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Intégration urbaine

Le Botanic Center datant de 1977 semble aujourd’hui verticalement inachevé. Sa façade, constituée de 274 modules identiques en béton architectonique typique de l’époque moderne, ne reflète guerre son nom de baptême lié à celui du Jardin Botanique non loin situé.
Le concept propose l’efflorescence du bâtiment existant au sens botanique du terme : « Commencement de la floraison ». Des lits de plantations et un réseau de câbles servent ainsi de substrat pour habiller la façade minérale d’une robe végétale répertoriant tout le panel de la flore endémique bruxelloise.
Au sommet, une chrysalide de bois et d’acier déploie ses galbes pour offrir des vues panoramiques à ses locataires et visiteurs tout en entrant en résonnance avec l’immense auvent circulaire dessiné par Xaveer De Geyter recouvrant désormais la Place Rogier.

Stratégiquement situé à l’entrée de la Rue Neuve en face de City 2 (le plus grand shopping mall de Belgique) et de la Tour Belfius, le Botanic Center occupe un emplacement urbain d’exception qu’il convient de magnifier.
Au cœur du Boulevard Botanique, complètement minéralisé, il nous a semblé évident de proposer un landmark écologique, une architecture végétale. Elle absorbe ainsi par photosynthèse les particules de carbone contenue dans le smog urbain (le nuage photochimique de pollution) tout en intégrant les énergies renouvelables de pointe pour mieux subvenir à ses propres besoins. La chrysalide délicatement posée sur le toit s’aligne dans les gabarits de « City 2 ». Son architecture pro-active – et non plus inerte – assume son époque !

 

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Au rez-de-chaussée, une façade contemporaine et son auvent en verre structurel renforcent l’attractivité de l’espace public en augmentant l’interactivité indoor/outdoor vers la Place Rogier pour former un tout homogène et dynamique.

Façades carbo-absorbantes
Imaginer une enveloppe végétale sur les trois façades du Botanic Center. Rapatrier la biodiversité au cœur de la Cité. Sélectionner avec des botanistes des essences de plantes qui permettent de coloriser le bâtiment selon les saisons. Tels sont nos ambitions.
Les 274 lits de plantations sont directement intégrés en façade aux 274 modules existants. Ils permettent de faire croître des plantes retombantes et ascendantes le long du réseau de câbles tissés en façades sur les joints verticaux existants. L’irrigation de ces jardinières se fait au goutte-à-goutte. La maintenance s’effectue deux fois par an, au début de printemps et à la fin de l’automne.
La photosynthèse des 10 000 plantes recouvrant les façades et les toitures arborées permet de capter près de 50 tonnes de CO2 dans l’atmosphère bruxellois chaque année. Cette façade végétale renforce de plus l’inertie thermique du bâti alors que les menuiseries et vitrages sont remplacés par des double-vitrages galbés avec châssis oscillo-battants performants, notamment vis-à-vis de l’étanchéité à l’air.

 

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Conception énergétique de la toiture

La coque à haute inertie thermique de la Chrysalide recouverte de titane épouse les galbes imposés par les retraits urbains le long de la Rue Neuve et du Boulevard Adolphe Max. Sa face inférieure repose sur les locaux techniques existants. Sa face supérieure est composée de 12 ouïes qui se redressent vers le sud pour mieux capter les rayons du soleil et ainsi augmenter l’efficience énergétique des panneaux de silicium qui les recouvrent. Le bouclier solaire de 600 m² permet de générer plus 96 000 KWh/an (160 KWH/m²/an).
Cette production électrique est complémentée par une ferme de 42 éoliennes axiales (VAWT) . La production éolienne annuelle estimée est de 770 kWh x 42 éoliennes = 32 340 kWh/an.
Le total annuel de production d’énergies renouvelables (solaire + éolien) représente donc une production de 128 340 KWh/an permettant, soit de couvrir une partie des besoins du bâti existant, soit d’assurer l’autosuffisance des nouveaux espaces dédiés au cœur de la chrysalide.

 

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La Chrysalide

La surélévation du Botanic Center nécessite de concevoir une structure légère et aérienne. La Chrysalide est ainsi subdivisée en 15 arches en bois lamellé-collé mises en pré-tension par un réseau de câbles en acier lui permettant un faible encombrement spatial et visuel. Ces 15 arches reposent sur un tablier (le galbe inférieur) posé en sustentation au-dessus de l’étage technique. Ce tablier retransmet les charges sur les noyaux porteurs et les colonnes existantes du bâtiment.
Les deux tympans de façade, au Nord vers la Tour Belfius et au Sud vers le Centre-Ville historique, sont constitués de deux murs rideaux inclinés en verre structurel. Les deux tympans Est et Ouest sont quant à eux constitués de verre cintré rappelant les courbes des toitures voisines imposées par les retraits urbains. Les façades verticales des 12 ouïes orientées plein nord assurent la ventilation naturelle de ce nouvel espace.
Sur le plan fonctionnel, la chrysalide est raccordée aux circulations verticales existantes avec accès dédiés dans le socle de la mezzanine. Celle-ci ainsi que le tablier sont constitués de double-planchers techniques permettant de les innerver sur le plan des fluides et des TIC.
Ces double-planchers assurent une flexibilité spatiale et temporelle en termes de programmation des espaces. Ceux-ci pourront en effet durablement être reconfigurés à l’infini selon les besoins des futurs locataires/visiteurs.

 

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La Chrysalide présente une belle opportunité immobilière par la valorisation du patrimoine architectural existant et par l’embarcation des énergies renouvelables. La surélévation pourrait ainsi devenir un lieu dédié à l’évènementiel et à la culture, à la formation ou au co-working, ou bien encore à l’agriculture urbaine avec ses jardins cultivés en permaculture.

Durabilité

L’architecture des façades sur rue en rez-de-chaussée et mezzanine est repensée pour être en adéquation architecturale avec la surélévation en toiture.
Le challenge est d’amener un maximum de ventilation naturelle et de lumière du jour dans les espaces situés en sous-sol. Au vue de l’encombrement au sol des noyaux de circulations verticales, le concept retenu est celui de désolidariser du périmètre des façades en verre les nez de dalles des niveaux RDC et R-1. Des douves permettent ainsi de dilater le Retail-Store en offrant de nouvelles surfaces à commercialiser.
Le long du Boulevard Adolphe Max, une arche elliptique semblable à celles de la chrysalide marque clairement l’entrée principale du Retail-Store tandis que deux batteries d’escalators (accolés au bloc central) permettent d’accéder à ses 4 niveaux. Les entrées latérales – plus discrètes – sont maintenues.

 

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Concevoir une architecture à faible impact carbone basé sur l’économie circulaire « cradle to cradle » prenant en compte les émissions de carbone intrinsèque et dressant le bilan énergétique de la vie du bâtiment, de sa livraison à sa « recyclabilité » complète est un devoir.
Concevoir une architecture optimisant les qualités de vie et d’usages en est un autre car la durabilité d’un bâtiment n’est pas qu’énergétique. Elle réside avant tout dans sa flexibilité spatiale dans le temps et dans la mise en œuvre des matériaux biosourcés pour générer des qualités et des services, à la fois en termes de confort, de performance, d’ambiances, mais aussi de réduction des nuisances et de génération d’impacts positifs. Ces services sont ainsi rendus à l’ensemble des acteurs : clients ou futurs usagers et à toutes les échelles: bâtiment, place, quartier, ville, territoire.
Illustrations: Vincent Callebaut Architectures