Bernard Lassus plante un jardin au centre Pompidou

Du 23 mai au 28 août, le centre Georges Pompidou à Paris consacre une rétrospective à 60 ans de créations du paysagiste et plasticien Bernard Lassus. Sa dernière oeuvre se trouve au cinquième étage derrière la salle d’exposition: le « jardin monde » de 800 m2, sur la terrasse sud de Beaubourg, offre une nouvelle manière de regarder le cœur de Paris.

Bernard Lassus, coloriste et plasticien, est architecte paysagiste et urbaniste. Il oeuvre en France et aux États-Unis. Récipiendaire du Grand prix national du Paysage 1996 (France), il est membre associé du Conseil général des Ponts et Chaussées et est conseiller en paysage auprès du Directeur des Routes.

Transformations des territoires urbains

Depuis soixante ans il conduit une réflexion et un travail sur les transformations des territoires urbains. Le concept d’ambiance qu’il a forgé à la fin des années 1950 repousse les limites des arts de l’espace et explore, dans leur pluralité, les facteurs de perception de l’environnement quotidien : la lumière, la couleur et le mouvement sont ainsi les premiers matériaux de ses projets artistiques et paysagers.

Formé à la peinture, notamment à l’atelier de Fernand Léger, Bernard Lassus se concentre autour du rapport à la couleur et des phénomènes perceptifs. Opposé à l’art géométrique, le concept d’ambiance lui permet de mettre au premier plan de la création sensibilité et espace poétique. Dès les années 1960, il engage ainsi sa pratique professionnelle vers d’importants chantiers de coloration d’immeubles HLM. Dénonçant l’uniformité des grands ensembles et l’hégémonie fonctionnaliste de l’époque, il s’attache à déjouer par la couleur la répétition linéaire et abstraite des normes de construction. Il se passionne pour l’appropriation psychologique des logements par leurs habitants et s’intéresse à la question du paysage.

Créateur de nombreux projets paysagers en France et en Europe, Bernard Lassus défend une conception qui se porte bien au-delà de la création de jardins, avec en perspective l’aménagement du territoire pour laquelle la production d’un décor suggestif, sensible et narratif renouvelle en profondeur la conception de la ville.

Il compte parmi ses réalisations le Parc de la Corderie Royale de Rochefort-sur-mer qui a reçu, en 1993, le Grand Prix national du Patrimoine du ministère de la Culture pour le Jardin des Retours.

 

 

Mais la démonstration la plus aboutie est venue des autoroutes : « Le terrassement, c’est le gros œuvre du paysage, dont le végétal constitue le second œuvre », se plaît à répéter le concepteur. Le paysagiste a consacré plusieurs dizaines d’années aux projets autoroutiers français du tournant du XXème siècle, avant d’exporter son savoir-faire sur l’autoroute du nord de la Suède. Entre les flèches emblématiques de la culture vernaculaire, les bois de rennes et les dolmens, le défi à relever concerne autant l’espace que le temps : « Son écoulement, pendant les centaines de km qui séparent deux sculptures, suggère l’échelle des siècles », explique Bernard Lassus.

 

 

 

Sa démarche expérimentale en fait aussi un théoricien de rang international : durant quarante ans, il enseignera dans les écoles de paysage et d’architecture en France, comme en Italie, en Allemagne et aux Etats Unis. En 1998, il a publié The Landscape Approach, aux Presses de l’Université de Pennsylvanie.

Le jardin du Monde

Librement accessible, ce jardin artificiel conçu pour le Centre Pompidou, invite le visiteur du musée à s’immerger dans l’univers poétique de Bernard Lassus pour aborder les enjeux contemporains de l’art du paysage. À plus d’un titre, le « Jardin Monde » de Bernard Lassus est le manifeste de ces recherches et accomplissements : il concentre les expérimentations plastiques du paysagiste, situe les enjeux contemporains du paysage et propose une synthèse entre art, architecture et environnement dans une expérience sensible que le public du Centre Pompidou est invité à découvrir.
Le « jardin monde » domine la façade sud du musée. A part la prépondérance du métal qui donne au jardin monde de Bernard Lassus un air de continuité avec l’architecture de Renzo Piano, l’hétérogénéité l’emporte : l’architecte opte pour la technologie et l’abstraction d’une œuvre qui rompt avec son contexte urbain, quand le paysagiste choisit le concret et le figuratif pour inviter le visiteur du musée à se tourner vers la ville. « Notre métier, c’est de changer le regard, en créant des situations où l’imaginaire se met en marche », insiste Bernard Lassus.